Titre : Histoire de Mayta
Auteur : Mario Vargas Llosa
Editeur : Gallimard - 1986
Titre original : Historia de Mayta
Traduit de l’espagnol par Albert Bensoussan
Collection Folio
ISBN 2070314111
482 pages
Le narrateur, journaliste écrivain, se faisant passer pour un de ses anciens condisciples, enquête sur la vie du Péruvien Mayta, qui, dans sa jeunesse, fut, dans le Pérou des années 50/60 parcouru, comme tous les pays d’Amérique Latine, par des mouvements sporadiques, réprimés férocement, de revendication prolétarienne et paysanne, un agitateur local, membre d’un groupuscule d’intellectuels trotskistes.
Le procédé romanesque, original, dessine peu à peu, par ce que lui racontent, souvent avec des points de vue contradictoires, les personnages qui ont connu Mayta, le portrait d’un héros à la fois pitoyable et admirable de naïveté, d’idéalisme et de foi révolutionnaire, qui rate toutes les actions qu’il entreprend et finit par passer une partie de sa vie en prison pour avoir participé à deux attaques de banques en vue d’alimenter les caisses d’autres groupes combattants. Bien que l’argent volé ainsi ait été détourné par ses complices, Mayta, par conviction, ne veut pas le savoir, et refuse de les dénoncer, ce qui lui vaut d’être condamné lourdement.
Les éléments recueillis par le narrateur se croisent, se superposent, affinent ou déforment la figure de Mayta, et retracent, en toile de fond, le passé mouvementé du pays, tandis que le narrateur évolue lui-même dans un présent tragique qu’il rapporte, en journaliste, à la fois en tant que témoin direct et au travers des commentaires et de la situation des personnages rencontrés.
Le récit se nourrit des luttes d’influence entre staliniens, léninistes et trotskistes, des échos de la grande aventure révolutionnaire de Che Guevara et des frères Castro, et de la confiance en l’aide éventuelle de l’Internationale Socialiste et des partis communistes.
On doute, par moments, de la réalité de Mayta, et le narrateur entretient le flou, alterne, souvent de façon déconcertante, les récits décalés des protagonistes, le récit direct, classique, qui met Mayta en scène au moment de son action, ce qu’il voit du Pérou au temps de sa quête, un métacommentaire subjectif à propos du héros et de ses actes, tout en ajoutant par-ci, par-là, des traits de sa propre invention d’écrivant, prêtant à Mayta, par exemple, des relations homosexuelles avec l’un des membres du groupe.
Le roman est ainsi composé de manière très ingénieuse, multivoque, et invite le lecteur à démêler les fils de la trame afin de se faire sa propre représentation de Mayta.
Le lecteur qui a eu vingt ans à la fin des années 60 retrouvera en l’histoire de Mayta tous les espoirs, les aspirations, la pureté, les rêves, les utopies, et les désillusions de sa jeunesse.
Patryck Froissart, Boucan Canot, le 6 novembre 2007
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