Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

PrÉSentation

  • : Les chroniques de Froissart (Patryck)
  • : Création poétique et littéraire; critique littéraire; philosophie; ésotérisme; politique; antisarkozisme; cultures du monde; francophonie; Maurice; Maroc; Mayotte; La Réunion; Hainaut et Wallonnie; jeux; humour; radio; anticonformisme
  • Contact

Domaines

Ce site a pour thèmes
- la mise en ligne de textes poétiques et littéraires
- la présentation de mes ouvrages
- l'étude (interactive) de points de grammaire, de linguistique, de faits de langue
- la philosophie
- l'ésotérisme
- la photo
- l'actualité
- la critique (sous forme de notes de lectures)

Ouvrages personnels

- L'éloge de l'apocalypse (recueil de poèmes de 80 pages) publié en 2003
- L'éloge de l'opaque ellipse (recueil de poèmes et de textes en prose de 180 pages) publié en avril 2006
- Chroniques puantes, en cours d'écriture

Actualisation du site

Le site sera régulièrement mis à jour, abondé, enrichi. Il remplacera progressivement le site hébergé par populus, dont les modalités d'administration ne conviennent plus à ce que je souhaite faire.

Patryck Froissart

Recherche

Archives

6 novembre 2007 2 06 /11 /novembre /2007 19:05

Titre : Histoire de Mayta

Auteur : Mario Vargas Llosa

Editeur : Gallimard - 1986

Titre original : Historia de Mayta

Traduit de l’espagnol par Albert Bensoussan

Collection Folio

ISBN 2070314111

482 pages

 

Le narrateur, journaliste écrivain, se faisant passer pour un de ses anciens condisciples, enquête sur la vie du Péruvien Mayta, qui, dans sa jeunesse, fut, dans le Pérou des années 50/60 parcouru, comme tous les pays d’Amérique Latine, par des mouvements sporadiques, réprimés férocement, de revendication prolétarienne et paysanne, un agitateur local, membre d’un groupuscule d’intellectuels trotskistes.

 

Le procédé romanesque, original, dessine peu à peu, par ce que lui racontent, souvent avec des points de vue contradictoires, les personnages qui ont connu Mayta, le portrait d’un héros à la fois pitoyable et admirable de naïveté, d’idéalisme et de foi révolutionnaire, qui rate toutes les actions qu’il entreprend et finit par passer une partie de sa vie en prison pour avoir participé à deux attaques de banques en vue d’alimenter les caisses d’autres groupes combattants. Bien que l’argent volé ainsi ait été détourné par ses complices, Mayta, par conviction, ne veut pas le savoir, et refuse de les dénoncer, ce qui lui vaut d’être condamné lourdement.

 

Les éléments recueillis par le narrateur se croisent, se superposent, affinent ou déforment la figure de Mayta, et retracent, en toile de fond, le passé mouvementé du pays, tandis que le narrateur évolue lui-même dans un présent tragique qu’il rapporte, en journaliste, à la fois en tant que témoin direct et au travers des commentaires et de la situation des personnages rencontrés.

Le récit se nourrit des luttes d’influence entre staliniens, léninistes et trotskistes, des échos de la grande aventure révolutionnaire de Che Guevara et des frères Castro, et de la confiance en l’aide éventuelle de l’Internationale Socialiste et des partis communistes.

 

On doute, par moments, de la réalité de Mayta, et le narrateur entretient le flou, alterne, souvent de façon déconcertante, les récits décalés des protagonistes, le récit direct, classique, qui met Mayta en scène au moment de son action, ce qu’il voit du Pérou au temps de sa quête, un métacommentaire subjectif à propos du héros et de ses actes, tout en ajoutant par-ci, par-là, des traits de sa propre invention d’écrivant, prêtant à Mayta, par exemple, des relations homosexuelles avec l’un des membres du groupe.

 

Le roman est ainsi composé de manière très ingénieuse, multivoque, et invite le lecteur à démêler les fils de la trame afin de se faire sa propre représentation de Mayta.

 

Le lecteur qui a eu vingt ans à la fin des années 60 retrouvera en l’histoire de Mayta tous les espoirs, les aspirations, la pureté, les rêves, les utopies, et les désillusions de sa jeunesse.   

 

Patryck Froissart, Boucan Canot, le 6 novembre 2007

 

Partager cet article
Repost0
27 octobre 2007 6 27 /10 /octobre /2007 15:24

Titre : La bâtarde d’Istanbul

Auteur : Elif Shafak

Editeur : Phébus – Paris - 2007

Titre original : The Bastard of Istanbul

 

Traduit de l’anglais par Aline Azoulay

320 pages

ISBN : 2752902786

 

Amy, une jeune étudiante de l’Arizona, est la fille de Rose, une Américaine « bon teint » et de Barsam, un descendant de ces Arméniens qui ont émigré massivement aux Etats-Unis pour fuir les exactions turques. Ses parents ayant divorcé, elle partage son temps entre sa famille arménienne et sa famille américaine, celle-ci composée de sa mère et de son beau-père, Mostapha, un Turc récemment immigré avec qui Rose a choisi de vivre par provocation à l’encontre de la parentèle de son premier époux.

 

Asya, une jeune étudiante turque d’Istanbul, est la fille de Zéliha, une Turque moderne, célibataire et anticonformiste, et, bâtarde, ignore qui est son père. Elle vit avec sa mère et ses tantes dans une grande maison uniquement habitée par des femmes, entre qui, subtilement, planent de lourds secrets. Fruit d’une faute maternelle dont elle ignore tout, tout en copiant la modernité et la liberté de sa mère, elle vit avec elle une relation quotidiennement conflictuelle.

 

L’envie vient à Amy de connaître la ville d’origine de ses ancêtres paternels.

Elle se rend, à l’insu de ses deux familles d’Amérique et de son beau-père, à Istanbul où elle se fait héberger la famille de ce dernier, qui se trouve être celle d’Asya.

 

L’arrivée d’Amy à Istanbul au début du XXIe siècle, c’est la résurgence, brutale, de l’Histoire tragique du début du siècle précédent. Amy, de son vrai prénom, arménien, Armanoush, involontairement, déclenche, par son irruption, des réminiscences douloureuses d’un passé tragique collectif, qualifié de génocide par les uns et d’événements historiques circonstanciels par les autres, et de drames personnels soigneusement refoulés.

 

Au cours du récit, on découvre, détail par détail, les terribles liens qui unissent, au passé et au présent, Armanoush et Asya, et dont la révélation provoque une nouvelle tragédie familiale.

 

L’étroite intrication de l’histoire, sur quatre générations, des familles d’Asya et d’Armanoush, et l’amitié qui naît, irrésistiblement, entre les deux jeunes filles, révèle clairement le dessein de l’auteure, elle-même Turco-américaine, de montrer que le destin des deux communautés, en dépit de la fracture qui s’est produite entre elles en 1915, des crimes qui ont été commis, et des cicatrices, encore vives, qu’ils ont laissées dans les mémoires, et qu’il ne convient pas d’effacer, est de se retrouver un jour, fatalement, et d’accepter, ou de refuser de se reconnaître comme parties d’une même famille, partageant une même culture, symbolisée ici, de façon très sensuelle, et intime, par la similitude des goûts et usages culinaires (chaque chapitre portant en titre un ingrédient de cet art commun, y compris le plus toxique, celui qui a empoisonné les relations entre Turcs et Arméniens).

 

Réconciliation possible ? Haine irréductible ?

Le roman pose la question, ce qui, en soi, est encore aujourd’hui une démarche ardente, pleine de risque, puisque l’auteure, Elif Shafak, dont il faut saluer le courage, a été traduite devant la justice turque et n’a dû son acquittement qu’au soutien massif de personnalités de tous pays.

 

Il faut lire ce livre, qui réduit en miettes de nombreuses idées reçues sur la Turquie d’aujourd’hui et sur la tragédie turco-arménienne.

 

Patryck Froissart, Boucan Canot, le 27 octobre 2007

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
27 octobre 2007 6 27 /10 /octobre /2007 12:21

Titre : L’esclave des Caraïbes

Auteur : Unity Hall

Editeur : Belfond - 1992

Titre original : Windsong

Traduit de l’anglais par Claude Lemoine

Collection : Le Livre de Poche

574 pages

ISBN : 2253139165

 

 

Il est bon de se laisser entraîner parfois dans l’aventure d’un récit au romanesque convenu, où les épisodes s’enchaînent naturellement bien que constitués de rebondissements invraisemblables, qui maintiennent l’attention continuellement en suspens.

Ce n’est certes pas là de la grande littérature.

Mais cela permet de passer quelques heures agréables, comme devant un film aux séquences bien construites.

Amelia, son frère Zachary et son cousin Ben, jeunes Anglais dont la famille a été mêlée à un complot contre le roi, sont déportés et vendus comme esclaves dans une île des Antilles.

La situation de départ est donc singulière à souhait : des blancs, dont une jeune fille vierge, se retrouvent, dans une plantation, à partager les conditions de vie des esclaves africains, soumis comme eux au bon vouloir et à tous les pouvoirs, y compris celui de cuissage, d’une famille de maîtres.

L’intérêt est de raconter l’histoire quotidienne, somme toute classique et qui a donné lieu à une abondante série de romans depuis La Case de l’oncle Tom, et, plus récemment, à un déferlement de feuilletons télévisés, des relations entre maîtres et esclaves sur une plantation sucrière, à partir du point de vue d’une esclave à la fois semblable aux autres et différente.

 

Bien entendu, les thématiques narratives de l’auteure, elle-même anglaise, découlent de sa propre culture d’appartenance.

Bien entendu, les destins d’Amélia, jeune, belle, sensuelle, violée par le maître et follement amoureuse d’un esclave qui lui donne une fille, de Ben, violé par Justinian, le fils du maître, et de Zacharie, meurtrier, pour venger son cousin, de Justinian, seront exceptionnels.

Bien entendu, les trois blancs ne peuvent pas finir esclaves. Ce ne serait pas littérairement correct.

Bien entendu, Amélia, Ben, et Zacharie, au terme d’une vie pleine d’aventures, se retrouvent quasiment propriétaires de toute l’île et d’une multitude d’esclaves qu’ils traitent, bien entendu, mieux que leurs pairs planteurs, mais qui n’en sont pas moins esclaves car il faut bien, n’est-ce pas, que l’Europe puisse continuer à se sucrer...

 

Une fois que le lecteur vigilant a repéré les ambiguïtés idéologiques et s’en est accommodé, il n’en reste pas moins un récit prenant, des personnages hauts en couleur avec leurs nombreux défauts et leurs quelques qualités, et, peut-être, une peinture assez juste de la vie des plantations.

Les ingrédients sont bien dosés, et bien répartis dans le fil du récit : scènes de violence, scènes émouvantes, scènes de sexe, remarques anti-esclavagistes compensatoires, tout y est.

 

Patryck Froissart, Boucan Canot, le 27 octobre 2007

 

Partager cet article
Repost0
20 octobre 2007 6 20 /10 /octobre /2007 17:13

Titre : Une histoire birmane

Auteur : George Orwell

Titre original : Burmese Days

Traduit de l’anglais par Claude Noël

Editions Ivréa – Paris, 1984

Collection 10/18 – Domaine étranger

ISBN : 2264030364

357 pages

 

George Orwell a publié ce roman en 1934 sous son vrai nom, Eric Blair.

L’auteur s’inspire de sa propre expérience d’officier anglais en Birmanie de 1922 à 1927.

 

Le personnage principal, Flory, est le seul « blanc » qui soit quelque peu sympathique dans cette chronique coloniale des Indes britanniques, en dépit, ou à cause de ses hésitations, de sa lâcheté, de sa veulerie, de sa propension à agir en fonction des convenances hypocrites et à rentrer dans les rangs de sa communauté, ce qui le conduit à se comporter en contradiction avec sa propre vision de la justice, et l’amène au mépris de soi.

Flory, dont le célibat est mal vu, vit juste à la marge de cette société coloniale de Kyautkada, dont il hait les petitesses, et le racisme exacerbé, et la suffisance, et les peurs, mais il ne se résout pas à rompre avec elle, et il fréquente, à contre cœur mais avec assiduité, le cercle, le Club, où se réunissent chaque soir les colons aigris par leur exil volontaire, et où on lui reproche férocement d’avoir pour ami un médecin indigène et pour compagne une jeune birmane.

Flory tombe amoureux d’une pimbêche anglaise, Elizabeth, orpheline sans le sou, qui débarque brusquement à Kyautkada chez sa tante, et que la communauté veut marier au plus tôt. Mais, maladroit, aveugle, prenant Elizabeth pour une jeune fille instruite prête à partager ses opinions non conventionnelles, Flory est peu à peu repoussé par la nouvelle venue, qui adopte sans réserve l’idéologie de la communauté blanche et s’amourache d’un séduisant et fringuant officier de la police coloniale, qui l’engrosse et disparaît sans un adieu.

 

L’histoire d’amour, classique, se déroule dans une atmosphère lourde de haines, de jalousies, de cruautés, de sadisme des blancs à l’encontre des autochtones, de révolte et de volonté de vengeance de la part de ces derniers, mais aussi, pour certains d’entre eux, de manigances pour se faire accepter comme pairs, en obtenant par exemple le droit de devenir membres du Club, ce lieu central du roman qui cristallise toutes les envies des uns et les privilèges des autres.

 

Le ton est juste. Rien ne semble exagéré. Nous ne sommes certainement pas dans la caricature. George Orwell dépeint ce temps, ce lieu, ces hommes et ces femmes tels qu’ils ont été, n’en déplaise à ceux qui voudraient nous faire croire aux bienfaits de la colonisation…

 

Patryck Froissart, Boucan Canot, le 20 octobre 2007

 

     

  

Partager cet article
Repost0
20 octobre 2007 6 20 /10 /octobre /2007 09:26

Titre : Mêlée ouverte au Zoulouland

 

Auteur : Tom Sharpe

 

Titre original : Riotous assembly

 

Traduit de l’anglais par Laurence

 

Editions du Sorbier – 1986

 

Collection 10/18 (Domaine étranger)

 

ISBN 2264026685

 

286 pages

 

L’histoire de l’Afrique du Sud, de l’apartheid, des relations de haine entre Anglais et Afrikaners, entre Africains et Blancs, a donné lieu à une production romanesque, engagée, réaliste, douloureuse, courageuse, qui a contribué à la prise de conscience, mondiale, d’une insupportable tragédie humaine.

 

 

Exprimer cette tragédie sur le mode de la farce peut paraître impossible, et indécent.

 

Tom Sharpe a prouvé, par ce roman férocement satirique, que c’est possible, et le résultat, loin d’être indécent, rend peut-être compte mieux que jamais, avec une force que le réalisme le plus cru ne peut égaler, de la bestialité de l’homme.

 

 

La noirceur de l’esprit humain n’a pas de limites. Pour asseoir l’évidence de ce sombre postulat, Sharpe exagère, exaspère, exacerbe, caricature à l’excès, explose les situations au-delà du paroxysme, se fait le Rabelais de l’horreur, du macabre, de la cruauté, de l’égoïsme, de l’inconvenance, de l’obscénité, sans jamais provoquer, grâce à l’humour partout sous-jacent, l’écoeurement.

 

 

Et l’effet attendu se produit. Le lecteur sourit, s’effare, s’esclaffe, pousse des ah et des oh, et adhère à la dénonciation d’un système et de ses acteurs dont il perçoit avec une acuité nouvelle, avec une proximité et une visibilité paradoxalement accrues par la distanciation que permet la farce, toute la hideur.

 

 

Tom Sharpe a été expulsé d’Afrique du Sud en 1961, et a reçu en 1986 le Grand Prix de l’Humour Noir pour l’ensemble de son œuvre.

 

 

Lisons, rions, méditons !

 

Mais pleurons !

 

 

Patryck Froissart, Boucan Canot, le 12/10/2007

 

 

Partager cet article
Repost0
30 septembre 2007 7 30 /09 /septembre /2007 13:07

Titre : De la part de la princesse morte

Auteur : Kenizé Mourad

Editeur : Laffont (1987)

Collection : Livre de Poche

ISBN : 2253048291

606 pages

 

Lorsque Mustapha Kemal dépose le dernier sultan ottoman, la princesse Selma, âgée de sept ans, doit suivre en exil à Beyrouth sa mère, la sultane Hatidjé, son frère, le chef des eunuques de la cour impériale, et deux fidèles kalfas, et perd tout contact avec son père, parti courir le monde.

 

Au Liban, qui est alors sous mandat français, la princesse mène une vie...princière, même si la sultane est obligée de vendre un à un les bijoux de la couronne pour pouvoir conserver un train de vie suffisamment mondain.

 

Etudes, premières amours,  déceptions, réceptions dans la haute société de Beyrouth : Selma vit une existence conventionnelle, alternant beaux et mauvais jours, rires et pleurs, espoirs et désillusions, jusqu’au moment où se pose la question de son mariage. Un projet d’union avec le jeune roi Zog d’Albanie échoue, et Selma est finalement mariée à un rajah indo-musulman, et connaît un nouvel exil.

Depuis le zenana du palais de Badalpour, la petite-fille du dernier calife découvre, superficiellement, et subit, douloureusement, dramatiquement, les réalités, les tensions extrêmes, et les rivalités religieuses sanglantes d’une Inde en pleine effervescence, où Gandhi, Nehru et Jinnah mènent le combat pour l’indépendance.

 

La deuxième guerre mondiale surprendra Selma à Paris, où elle est allée accoucher, accompagnée du fidèle eunuque, de son premier enfant, et où, privée par le conflit de toute possibilité de joindre son mari, elle meurt dans la misère.

 

Le roman joue sur le mélodrame convenu, en  enchaînant, de façon très syncopée, les bonheurs et les malheurs d’une pauvre princesse riche, qui déchoit en pauvre princesse pauvre... Le récit pourrait être comparé à ce qui a été écrit sur Sissi. Si, si !

Reste qu’en oubliant quelque peu l’histoire, qui cherche à forcer le lecteur à sortir son mouchoir, on peut retenir une intéressante traversée, assez bien documentée, de l’Histoire de la Turquie, du Liban et de l’Inde entre les deux guerres.

Ce livre présente cet intérêt-là.

 

Patryck Froissart, Boucan Canot, le 10 septembre 2007

Partager cet article
Repost0
30 septembre 2007 7 30 /09 /septembre /2007 13:06

Titre : Le dernier soupir du Maure

Auteur : Salman Rushdie

Traduit de l’anglais par Danielle Marais

Titre original : The Moor’s last sight

 

 

Editeur : Plon (1996)

Collection : Le Grand Livre du Mois

ISBN : 2259182712

408 pages

 

 

 

Sur cette étonnante saga d’une famille indienne d’origine judéo-portugaise de Bombay, Salman Rushdie nous embarque et nous fait ramer dans l’Inde tragiquement fascinante du vingtième siècle, dans le sillage des tribulations de personnages dont les destins hors du commun sont intimement, trivialement liés à ceux des grandes figures politiques qui ont fait l’Histoire du pays avant et après l’indépendance.

 

 

 

Maure, le héros, narrateur, dernier rejeton de la lignée des indo-portugais Gama de Cochin, catholiques, gros négociants en épices orientales, du côté maternel et des indo-juifs Zogoiby du côté paternel, né doublement handicapé, puisqu’il lui manque une main et qu’il grandit et vieillit deux fois plus vite que la moyenne, brosse, dans une langue baroque et flamboyante,  les portraits, aux défauts cruellement apparents, des membres des trois dernières générations, dont il est l’aboutissement monstrueux, de deux familles qui s’éteindront avec lui, marquant la fin de la présence en Inde d’Indiens soudain considérés comme étrangers par les représentants d’un nationalisme hindou devenu historiquement hégémonique.

 

 

 

On suit particulièrement l’ascension d’Aurora, la mère, qui devient une artiste peintre renommée et scandaleuse, et ses déboires avec ses amants, et on entre dans sa folie picturale exprimant et sublimant ses désirs incestueux.

On découvre parallèlement, peu à peu, la descente morale et le formidable enrichissement, et, corollairement, la perversité sans limite d’Abraham, le père, qui établit, sur les fondements du réseau commercial hérité de sa belle-famille et à la faveur de la corruption ambiante, un immense et occulte empire mafieux, politico-financier.

 

 

 

Le roman est sombre. La férocité de l’homme y est peinte en teintes vives, à traits saillants, au couteau et, si l’histoire se passe en Inde, elle en déborde largement les frontières. C’est bien l’homme dans toute la splendeur de sa cruauté qui apparaît ici, et l’humour de Salman Rushdie, loin d’en atténuer les pointes menaçantes, les acère et les rend étincelantes et glaciales.

 

 

 

Salman Rushdie est toujours, à la date de l’écriture de ce compte-rendu, sous le coup d’une fatwa moyenâgeuse, dont la promulgation illustre parfaitement la méchanceté et la bêtise incarnées par certains des plus repoussants personnages de ce livre.

 

 

 

Patryck Froissart, La Réunion, le 30 septembre 2007      

Partager cet article
Repost0
9 septembre 2007 7 09 /09 /septembre /2007 15:48

Titre : Les pièces d’or de Jahangir

Auteur : Satyajit Ray

Traduit du bengali par Michèle Mercier

Editeur : 10/18 – Presses de la Renaissance – Avril 1993

ISBN : 2264 01681 7

175 pages

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce recueil de récits oscillant entre la nouvelle, le court roman policier et le conte réaliste ou  fantastique, et qui pourrait être rangé sur les rayons de la littérature près de Maupassant,  non loin de Somerset Maugham, mais aussi à courte distance de Tieck,  dans les environs de Poe, et au voisinage de Conan Doyle, est l’œuvre d’un Satyajit Ray qui est plus connu en tant que cinéaste, pour des films tels que Pather Panchali et le Salon de Musique.

 

 

 

L’auteur y rassemble dix titres, dont l’un est éponyme de l’ensemble. Chaque texte entraîne le lecteur dans un endroit différent de l’Inde et du Bengale aux multiples facettes, et met en scène des personnages de milieux proches du cinéma, de la littérature, et, d’une manière générale, de la bourgeoisie bengalie.

 

Un glossaire en fin de volume aide à comprendre les termes bengalis intraduisibles qui se réfèrent aux événements traditionnels du calendrier et à la culture du quotidien, et qui, pour le lecteur occidental, sèment dans le courant narratif ces petites îles de couleur locale, ces petits rochers d’exotisme qui assurent et jalonnent le dépaysement.

 

 

 

Toutes les bonnes lectures doivent être, pour ceux qui s’y embarquent, l’occasion d’un transfert, d’une excursion, mieux, d’un transport hors de leur propre vie.

 

 

 

Celle que nous propose Satyajit Ray est de celles-là.

 

 

 

Patryck Froissart, St Benoît, le 16 juin 2007

Partager cet article
Repost0
12 août 2007 7 12 /08 /août /2007 13:57

Titre : Nouvelles

Auteur : Tahar Ben Jelloun

Edition : Le Grand Livre du Mois (Paris août 1997)

Collection : Les trésors de la littérature

ISBN : 2-7028-0624-4

116 pages

Ces quatre nouvelles de Tahar Ben Jelloun qui se lisent en une soirée constituent d’excellents prétextes à méditer sur des thèmes à la fois actuels, éternels et universels.

 

Dans la première, Le temps s’est arrêté au Caire, le narrateur, marocain, de passage au Caire, visite, au motif d’y rencontrer Khaïri Chalabi, l’auteur égyptien de La Panse de la Vache, qui a choisi d’y vivre, l’étonnante Cité des Morts, cet ensemble labyrinthique de cimetières où se sont installés, à demeure, dans et entre les caveaux, plus d’un million de Cairotes misérables à qui la promiscuité avec la mort donne une sérénité et une dignité sobrement et simplement exprimées dans les réponses qu’ils font aux questions du voyageur.

Ce court séjour au Caire se poursuit à Khan El Khalil et, par contamination, fige dans le temps des figures de rencontre aussi connues que Georges Moustaki et Naguib Mahfouz, sur une toile de fond où sont évoqués les grands problèmes politiques et sociaux du pays qui, bien que cruciaux, prennent, après la visite à la Cité des Morts, cet aspect presque dérisoire des événements actuels confrontés à l’éternité.

 

Les trois autres textes traitent de questions plus récurrentes dans l’œuvre de Tahar Ben Jelloun.

Le premier décrit en contraste l’hospitalité marocaine traditionnelle, fraternelle et sans borne, et la réserve et la gêne qui marquent la manière européenne d’accueillir l’hôte (L’invitation).

 

Le suivant rappelle le sort, souvent tragique, des migrants marocains qui s’aventurent, poussés par le désespoir, entassés dans des barques de fortune, chaque nuit, vers l’Espagne qui ne veut pas d’eux (Le clandestin).

 

Le dernier met en scène, avec pudeur et humour, un émigré marocain, laveur de carreaux à Paris, qui, bien que résidant légalement en France, sent peser continuellement, sur fond de première guerre du Golfe, sur son humble et honnête personne, le regard immanquablement soupçonneux de l’administration, de ses collègues de travail, et des forces de l’ordre qui effectuent des contrôles d’identité au faciès (Le suspect).

 

Un livre à faire lire.

 

Patryck Froissart, El Menzel, le 11 août 2007

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
29 mars 2007 4 29 /03 /mars /2007 08:53

Titre : Dictionnaire des fantasmes et perversions

Auteur : Brenda B. Love

Editeur : Editions Blanche (Paris 2000)

Traduit de l’américain par Philippe Olivier

Titre original : The Encyclopedia of Unusual Sex Practices

 

ISBN : 2911621719

 

 

Voilà un livre bien curieux, fait pour les curieux que les tabous, censures et hypocrisies de notre temps ne recroquevillent pas dans leur étroite bulle conventionnelle.

L’auteure y recense, dans l’ordre alphabétique comme il se doit, tous les fantasmes sexuels dont elle a pu avoir connaissance au hasard de ses lectures et de ses recherches sur le sujet.

Les articles sont clairs, documentés, souvent illustrés de savoureux passages d’écrivains, poètes et scientifiques célèbres.

Elle s’y interdit tout jugement moral, sait être objective tout en exprimant nettement l’idée fondamentale qui est que toute recherche de plaisir est légitime à la seule condition que le partenaire soit consentant.

Elle indique en outre, pour les pratiques pouvant être physiquement ou psychologiquement dangereuses, les limites à ne pas dépasser.

On peut regretter que le titre en français comporte le terme « perversions », qui est moralement chargé négativement, et qui ne respecte pas la neutralité du titre original : The Encyclopedia of Unusual Sex Practices.

Les éditeurs français joueraient-ils davantage que leurs confrères américains sur la notion judéo-chrétienne de l’attrait que peut avoir pour certains tout fruit interdit ? Toujours est-il que l’emploi du trait de perversion dans le titre de cet ouvrage intéressant et amusant… pervertit l’intention de l’auteure, pour qui, justement, aucune des pratiques décrites n’est perverse.

 

 

Patryck Froissart, à St Benoît le 21 février 2007

Partager cet article
Repost0

Articles RÉCents

Liens