Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

PrÉSentation

  • : Les chroniques de Froissart (Patryck)
  • : Création poétique et littéraire; critique littéraire; philosophie; ésotérisme; politique; antisarkozisme; cultures du monde; francophonie; Maurice; Maroc; Mayotte; La Réunion; Hainaut et Wallonnie; jeux; humour; radio; anticonformisme
  • Contact

Domaines

Ce site a pour thèmes
- la mise en ligne de textes poétiques et littéraires
- la présentation de mes ouvrages
- l'étude (interactive) de points de grammaire, de linguistique, de faits de langue
- la philosophie
- l'ésotérisme
- la photo
- l'actualité
- la critique (sous forme de notes de lectures)

Ouvrages personnels

- L'éloge de l'apocalypse (recueil de poèmes de 80 pages) publié en 2003
- L'éloge de l'opaque ellipse (recueil de poèmes et de textes en prose de 180 pages) publié en avril 2006
- Chroniques puantes, en cours d'écriture

Actualisation du site

Le site sera régulièrement mis à jour, abondé, enrichi. Il remplacera progressivement le site hébergé par populus, dont les modalités d'administration ne conviennent plus à ce que je souhaite faire.

Patryck Froissart

Recherche

Archives

20 février 2007 2 20 /02 /février /2007 20:37

Titre : Gora

Auteur : Rabindranath Tagore

Editeur : Le Serpent à Plumes - 2002

Traduit de l’anglais par Marguerite Glotz

ISBN : 284261321X

 

Roman de 700 pages, paru en 1907, de l’écrivain indien Rabindranath Tagore, Prix Nobel de littérature en 1913, Gora met en scène des personnages empêtrés dans les contradictions d’un pays à la fois riche et misérable de ses traditions millénaires confrontées aux aspirations d’hommes et de femmes à une modernité importée de l’Occident.

Gora, qui donne son nom au livre, est un hindou nationaliste qui milite pour un retour fondamentaliste à la pureté de la religion ancestrale et à la stricte observation de ses rites et du cloisonnement des castes qui, selon lui, en constitue la structure sociale obligée.

Binoy, son ami, est au début du roman son disciple et son admirateur.

Binoy fait par hasard la rencontre de Sucharita et de son père adoptif, Paresh Babou, membres d’une famille brahmo qu’il est amené à fréquenter de plus en plus régulièrement, malgré les remontrances de son ami, pour qui les pratiques des adeptes de ce mouvement hindouiste réformiste (dont l’un des fondateurs fut le propre père de Rabindranath Tagore) sont hérétiques et imprégnées d’occidentalisme.

Le roman raconte le cheminement personnel des deux amis d’enfance, tous deux de famille brahmine, leurs hésitations, leurs doutes, les conflits qui les opposent et qui, à plusieurs reprises, les sépare, au grand chagrin d’Anandamoyi, la mère de Gora, qui considère Binoy, orphelin, comme son deuxième fils.

Gora rencontre à son tour Sucharita, et éprouve pour elle une affection croissante, tandis que Binoy tombe peu à peu amoureux de Lolita, sœur de Sucharita.

Les communautés religieuses auxquelles appartiennent d’une part Gora et Binoy, d’autre part les deux sœurs, s’affrontent à travers eux et s’efforcent de briser ces relations que chaque partie considère comme indignes et impures.

Binoy et Lolita surmontent un à un  les obstacles qu’on s’ingénie à dresser entre eux, et décident de se marier tout en restant fidèles, l’un et l’autre, à leur religion familiale.

Gora renonce à Sucharita pour ne pas trahir sa foi et ses convictions militantes, jusqu’au jour où ses parents lui avouent qu’il n’est pas leur fils, et qu’il n’est donc pas brahmine, mais le fruit d’une union entre un Indien et une Anglaise.

Certes l’amour triomphe, aidé par les circonstances (Binoy n’a plus de famille, Sucharita et Gora ont été adoptés) et par le caractère admirable de deux personnages se situant au-dessus des conventions de leur clan ( Paresh Babou, père de Sucharita, et Anandamoyi, mère de Gora) mais le roman pose, d’une manière passionnante, par l’action et le discours, du début à la fin, les questions essentielles, séculaires, de l’intolérance, du fanatisme, de la pesanteur des traditions, et, de la rigidité du système des castes.

Un très beau livre.

Patryck Froissart, St Benoît, le 20 février 2007

 

 

 

Partager cet article
Repost0
11 décembre 2006 1 11 /12 /décembre /2006 07:01

Prix Vénus de la Nouvelle Erotique

Organisé conjointement par
LES EDITIONS BLANCHES et LA VENUS LITTERAIRE

 

Une première sélection a été faite de 22 auteurs, dont la où parfois les nouvelles seront lues par chacun des membres du Jury, au cours des mois de décembre 2006 et janvier 2007, afin que les huit membres se réunissent et délibèrent de l’attribution du Prix Vénus de la Nouvelle Erotique.

Chacun des auteurs retenus au titre de la Sélection recevra en première récompense le nouveau Dictionnaire des Fantasmes et Perversions, publié par les Editions Blanches.

Nos félicitations vives vont ainsi, pour des textes parfois longs, parfois courts, qui traitent l’érotisme sous tous les angles d’approche possible pourvu qu’il s’allie selon les cas au style, à l’humour, à la profondeur ou à l’audace réelle qui ne se contente jamais d’être crue, à vingt-deux plumes de qualité.

 

Sans qu’aucun biais n’ai été prédéterminé, nous constatons que sur vingt-deux textes sélectionnés, quinze ont été écrits par des femmes, soulignant un mouvement de fond de la littérature érotique de notre siècle.

Membres du Jury d’attribution du prix :


- Joseph Vebret (dir. de collection ; animateur des revues La Presse Littéraire et le Magazine du Livre ; auteur)
- Françoise Simpère (auteur, dir. de collection aux Editions Blanches)
- Anita Beldiman-Moore (bibliothécaire ; animatrice du site Ecrits-Vains)
- Orlando de Rudder (auteur)
- Dominique Baur (artiste peintre et sculpteur)
- Maxence Lascombe (animateur de SousleManteau.com)

Ainsi que les responsables des Editions Blanches et de La Vénus Littéraire.

 

 

Note aux auteurs non retenus:

Nous remercions tous les participants pour leurs textes envoyés au titre du concours. Un concours ne saurait avoir de sens sans la participation du plus large nombre. Les choix relèvent de multiples critères au premier rang duquel, bien sûr, la qualité littéraire et l’écho érotique de ces textes. Inévitablement, la part humaine et celle des circonstances jouent toujours, irréductible. Nous avons cherché à offrir à chaque texte la lecture la plus ouverte et la plus impartiale, nous sommes conscients de l’impossibilité de retenir tous les textes qui valent d’être lus.

Nous nous excusons de ne pouvoir réserver une réponse personnalisée à chacun mais que les passionnés, même s’ils n’ont pas été élus cette fois, ne se découragent pas.

 

 

Auteurs et nouvelles sélectionnées
Auteur
Nouvelle(s)
   
....Aline Verdun Au Dream’s Club
....Anne Hervoir La Ville / La Forêt / Banc Public / Histoire sans paroles
....Arthémisia Glissade Nouvelle
....Bruno Hilaire Jusqu’au bout / La Stagiaire au nom de cinéma
....Cathy Garcia Comme tu me rêves
....Chris Laure Caméra cachée
....EC Parques Libera Me
....E. R. Vapeurs
....Entki Petit soliloque entrecoupé d’une mouflette
....Franca Maï Humidités
....Goujon & Chalbert-Dalix Arôme désir
....Isabelle Nicolessi Sam
....Jean-Sébastien Loygue Sauver le soldat Jules
....Kenza Tango
....Lydia Chalbert-Dalix Peau d’Ange
....Marion Lubréac RDV vers 22 heures
....Patryck Froissart L'amante indienne
....Paul Kern Quatre heures environ
....Serge Rivron Il est pas à moi
....Stella Guerden Murmures
....Valérie Bézard Officine de séduction
....William Blanc Voyages Sextraordinaires
   
Partager cet article
Repost0
22 novembre 2006 3 22 /11 /novembre /2006 19:59

Titre : Introduction à la vie littéraire du XVIIe siècle

Auteur : Jean-Claude Tournand

Editeur : Armand Colin 2005

ISBN : 220034466X

191 pages

 

 

Voici un ouvrage, au sens noble du terme, qui offre à ses pratiquants une synthèse remarquable des lectures, diverses, éparpillées dans le temps, qu’ils ont pu faire des grands auteurs français du siècle classique.

Rassembler ce qui, dans leur esprit, est forcément épars, trouver un sens à chacune des périodes, à chacun des courants littéraires abordés, et établir et constater la cohérence de la relation qui mène de l’un à l’autre, ce n’était pas chose facile, s’agissant d’un siècle qui aura vu se succéder et coexister l’humanisme de la Renaissance, le libertinage littéraire, le baroque, la préciosité, l’idéal de l’honnête homme, le jansénisme, et ces auteurs universellement reconnus et fondamentalement différents que sont, dans le désordre, Corneille, Racine, Molière, La Fontaine, Boileau, Descartes, Pascal, Charron, François de Sales, Fénelon, Bossuet, Fontenelle, Huyghens, Théophile de Viau, Malherbe, La Rochefoucauld, Madame de Lafayette, La Bruyère, et j’en oublie.

J’ai dit « fondamentalement différents » et j’ai ajouté « dans le désordre ».

Justement, Jean-Claude Tournand nous dit le contraire, et il le démontre magistralement.

Tous ces hommes, tous ces courants littéraires et philosophiques ont un lien, un lien fort : l’amour-propre, né en littérature avec Montaigne au siècle précédent.

Dans ce monde où la courtoisie est devenue la courtisanerie, où l’épopée n’est plus de mode, germent et se développent l’amour de soi, l’orgueil de soi, l’absolue nécessité de paraître pour être, tous ces aspects fondateurs de l’individualisme que l’auteur décèle même dans les écrits de ceux qui en dénoncent (déjà) les effets néfastes.

Plutôt qu’une « introduction à la vie littéraire du XVIIe siècle », nous disposons, avec cette œuvre, d’une passionnante étude, resituée dans le contexte socio-historique, de la philosophie des textes et des auteurs du grand siècle, dont nous avons le devoir de faire connaître la richesse à nos collégiens, lycéens et étudiants, n’en déplaise à ceux, ignares et dangereux, qui prennent prétexte de leur prétendue difficulté pour les écarter de plus en plus des programmes scolaires.

Puisse la lecture de ce livre donner envie à ceux, dont je suis, qui ont une connaissance fragmentaire de la littérature du XVIIe siècle, de se replonger dans ce grand siècle français dont on peut dire, sans chauvinisme, qu’il est admiré et envié.

 

Patryck Froissart, St Benoît, le 22 novembre 2006

 

Partager cet article
Repost0
1 novembre 2006 3 01 /11 /novembre /2006 16:26

Titre : Les coureurs d’épices

Auteurs : Edith et François-Bernard Huyghe

Editeur : JC Lattès (avril 1995)

ISBN : 2709615746

275 pages

 

Les épices nous sont venues de l’est.

C’est sur cette vérité européenne que les auteurs fondent leur étude de l’importance capitale de la soif et de la quête de l’or sur toute l’histoire moderne de l’Europe occidentale.

Maîtriser les routes des épices a équivalu, pendant plusieurs siècles, à s’enrichir non seulement matériellement mais aussi culturellement et scientifiquement, et, pendant les siècles suivants, à conquérir et dominer le monde.

La demande naît dans la Rome impériale, et croît, quasiment sans discontinuer, jusqu’à nos jours, provoquant âpres rivalités, guerres, expansions hégémoniques.

La période la plus dynamique, soutenue par une planification remarquablement organisée, marquée par une volonté politique lucide et méthodique,  est enclenchée par l’Infant Henri de Portugal, dit Henri le Navigateur. Le petit royaume se lance alors, avec une ambition grandissante, dans une aventure passionnante de découverte du monde, alors inconnu des Européens, qui provoquera le malheur des populations autochtones.

Les auteurs mettent à jour, de façon convaincante, tous les mécanismes, toutes les données historiques, religieuses, scientifiques, géographiques qui ont permis, mis en branle, de manière synergique, par le besoin croissant de consommation d’épices, le développement d’abord lent mais continu, depuis l’empire romain, puis rapide et brutal,  à la fin du 15e siècle, des connaissances humaines, et le rôle de cette incessante course aux épices orientales dans la naissance et la disparition de grandes puissances, et dans l’établissement de la domination coloniale européenne.

Est-ce à dire que le monde contemporain doit sa configuration actuelle au fait que les épices les plus prisées depuis deux mille ans ne pouvaient être produites, pour la plupart, qu’en Extrême-Orient ?

Edith et François-Bernard Huyghe nous le démontrent, magistralement, dans ce livre qui se lit comme un roman.

A conseiller à tous ceux qui veulent comprendre le présent par la connaissance du passé, sans tomber pour autant dans un déterminisme historique absolu.

Patryck Froissart, St Benoît, le 1er novembre 2006

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
23 septembre 2006 6 23 /09 /septembre /2006 11:00

Titre : Le premier siècle après Béatrice                       

Auteur : Amine Maalouf

Editeurs : Grasset et Fasquelle (1992)

ISBN : 2253097829

157 pages en Livre de poche                                                 

Ce livre est à la fois un roman, un document, une œuvre d’anticipation, et une leçon, ou un avertissement.

 

 

 

Le narrateur et personnage central, entomologiste spécialiste des coléoptères, est amené à s’intéresser à une poudre traditionnelle égyptienne vendue dans un petit récipient en forme de scarabée, prétendument capable de favoriser la naissance d’héritiers mâles.

 

 

 

Ce qui n’était, séculairement, que charlatanisme et superstition archaïques sans effet réel devient un problème politique, à l’échelle mondiale, lorsque des chercheurs sans scrupules parviennent à fabriquer, puis à écouler massivement, sous le manteau des traditions, un produit chimique efficace qui fait chuter de façon dramatique le nombre des naissances de filles, dans un schéma catastrophe qui s’appuie sur les préjugés culturels ancestraux considérant comme valorisante pour la famille la mise au monde d’un garçon, et qui amplifie les méthodes plus « artisanales » qui consistaient jusque là, dans un certain nombre de régions, à provoquer couramment l’avortement d’embryons de sexe féminin.

 

 

 

Le roman, publié chez Grasset en 1992, met en scène une situation qui se développe à partir de 2000, année de la naissance de Béatrice, la fille du narrateur (d’où le titre).

Il s’agit donc d’anticipation.

Amine Maalouf, sur la question centrale du livre, apparaît, comme dans ses autres œuvres, comme un visionnaire, extrêmement lucide, qui analyse, avec une précision scientifique, les conséquences des comportements  de l’homme sur le présent et le futur de sa propre espèce.

 

 

 

En effet, des rapports de plus en plus fréquents, précis et alarmants font état actuellement d’un déficit croissant de filles, en Inde et en Chine notamment, qui donnent un éclairage réaliste à la fiction décrite par Maalouf. On compterait en 2006 un déficit mondial de 70 millions de filles, et des revues dignes de foi nous annoncent, si rien n’est fait pour inverser la tendance, un effondrement démographique majeur dès 2050.

 

 

 

C’est exactement le scénario du livre de Maalouf…

 

 

 

A méditer, en vue d’une action militante.

 

 

 

Patryck Froissart, St Benoît (Réunion), le 22 septembre 2006

 

 

 

Partager cet article
Repost0
23 septembre 2006 6 23 /09 /septembre /2006 10:56

Titre : La malédiction de Râ

Auteur : Naguib Mahfouz

Editions L’Archipel (1998)

Titre original : Abath Al-Aqdar

Traduit de l’arabe égyptien par José M. Ruiz-Funes et Ahmed Mostefaï

ISBN : 2841871142

235 pages

 

 

C’est là le premier roman de Naguib Mahfouz, écrit en 1939.

Le puissant pharaon Kheops, deuxième souverain de la IVe dynastie, qui a fait construire la grande pyramide de Guizeh, apprend, alors que viennent de commencer les travaux de ce qui sera considéré comme une des merveilles du monde, qu’un fils est né au grand-prêtre de Râ,  Man-Râ, et qu’un devin a prédit que l’enfant deviendra pharaon à la place des princes héritiers.

Le pharaon, à la tête de son armée, part aussitôt pour Awn, résidence du grand-prêtre, et fait tuer le nouveau-né.

Comme le veut la tradition littéraire, l’enfant d’une servante, né le même jour, est substitué au fils de Man-Râ, et le futur usurpateur est sauvé par une autre servante qui l’emporte à Memphis et l’élève comme son fils.

Djédef grandit, entre dans la carrière militaire, est remarqué par la famille royale, gravit rapidement et brillamment les grades, développe une histoire d’amour avec la princesse Mérésankh, fille du pharaon, etc., et la prédiction s’accomplira.

Toutes les péripéties que vit le héros relèvent de la veine conventionnelle du roman d’aventures, la structure est simple, voire simpliste, proche de celle du conte non merveilleux, et les situations, rebondissements et enchaînements empruntent sans guère d’originalité aux ficelles, aux facilités et aux clichés du roman-feuilleton populaire européen.

Il faut se souvenir que Naguib Mahfouz essayait là sa plume : cette première œuvre, peut-être décevante pour le lecteur qui la découvrirait après avoir lu, par exemple, L’Impasse des Deux Palais, n’a rien d’éblouissant, et ne laisse rien présager du génie qui lui inspirera ses romans ultérieurs.

La vérité historique, qui caractérisera le Mahfouz grand romancier et metteur en écriture de l’Egypte moderne, n’est pas ici un gros souci. Certes un Djédef-Ré a bien succédé à Kheops, et a régné, plutôt obscurément, juste avant Khephren et Mykérinos, mais ceci n’est que prétexte littéraire qui permet à l’auteur de mettre en relief le thème de la fatalité, du destinateur qui possède la clé de l’Histoire, à quoi nul ne peut échapper, même le plus puissant, qui croit pouvoir changer ce qui a été, une fois pour toutes, écrit (maktoub).

Néanmoins le livre se lit avec plaisir, un peu comme un roman de Christian Jacq, du fait que l’intrigue se déroule dans une Egypte antique qui n’en a pas fini de fasciner.

 

Patryck Froissart, St Benoît (Réunion), le 17 septembre 2006

 

Partager cet article
Repost0
16 septembre 2006 6 16 /09 /septembre /2006 13:30

Titre : Les enfants de minuit

Auteur : Salman Rushdie

Editions : Stock, 1983, 1987

ISBN 2253050407

Traduit de l’anglais par Jean Guiloineau

Titre original : Midnight’s children

670 pages

Partager cet article
Repost0
14 septembre 2006 4 14 /09 /septembre /2006 07:58

L’investiture

 

 

 

 

 

 

Vomissez !

Vomissez !

Vomissez !

 

Lire du nauséeux n’est pas, me gerbez-vous, d’agréable loisir.

 

 

Vous savez bien pourtant combien m’empuantissent, veuillez-le ou non, vos rêves, vos actions, vos désirs, vos envies, vos souhaits, vos remords feints, vos prières chafouines, vos insincères dévotions, l’haleine de ces mots que vous rotez partout, le profond de votre aine et l’air de votre haine. 

 

 

Donc je m’obligerai, me faisant assister par le Poète, que je revendique comme mon unique véritable créature, à seule fin d’abonder vos hypocrites haut-le-coeur, à d’autres logorrhées, avec délectation, et vos dégobillis seront mes harmonies, et vos spasmes mes extases.

 

 

Depuis le temps, j’ai forci son talent, me le suis fait expert à s’immiscer dans vos replis avec les mêmes  yeux omnivoyants que ceux dont vos bibles m’ont doué, et l’ai pourvu de la plus morbide curiosité, de la plus avide envie de fouiller l’entraille de votre âme, et de la capacité d’aiguiser la connaissance la plus définitive de vos turpidités.

 

 

Lisez que sans répit, que sans repos, pour tout repas, moi, votre père (hi !hi !hi !) qui suis aux cieux, je me repais par lui de tous vos fiels, et que ses moissons de vos vices me sont, chaque jour, plus copieuses.

 

 

Je l’ai constitué, par simple commodité physique, nomade polymorphe, et le fais louvoyer dans les éthers, à la manière de certaines des images naïves que vous vous peignîtes, à maintes époques, de mon auguuusssste propre personnage.

 

 

Voyez, par ce matin, exemplaire, je choisis un fuseau pénétrant dans l’aurore, en son essence du rose présupposé pur de l’innocence.

 

 

Préalablement salivant, je plane un peu dans les hautes sphères, et le cœur emballé par la jubilation cosmique me bat aux tempes.

 

 

Le moment vient, la conjonction semble propice, et je sens poindre même une érection divine.

 

 

L’observation facilement d’ici peut bien se satisfaire : par le travers d’un prisme clair s’offre l’angle voulu de l’optimale focalisation.

 

 

Je le hèle et l’installe en son aise, et nous révolutionnons, en voyeurs attentifs, en cette belle orbite. Pour un temps géostationnaires, nous humons l’odeur, soigneusement, de votre dégoûtante engeance. 

 

 

Du matin jusqu’au soir, nous attribuant la musculature efficace et la morphologie dynamique du discobole, nous sillonnons l’espace, épiant le globe qui se débleuise, qui se vertdegrise, en décomposition, ivres de notre divin pouvoir, nous esclaffant en passant de la pieuse beauté des icônes de moi.

 

 

Le ciel s’est, sur notre souffle, à cette heure, bienheureusement, subrepticement, épuré, beau vieux dôme des crédules des premières ères : l’ont débarrassé le soupir détergent de notre ténèbre fraîche et le souffle désinfectant de notre brise aurorale des fumées asphyxiantes des brûlis, des vesses étouffantes des cités, des buées maladives des égouts, des brouillis allergènes des nébuliseurs agricoles, des smogs tuberculeux expectorés par les poumons chancreux des cheminées à houille, des rouilles exhalées des déversoirs sur les pouilles des terrains vagues des cités, des vapeurs dégagées par les étangs à cloaques sur les têtes à claques des hommes, des urticantes essences artificielles, des oxydes zonards vénéneux, des gaz à vices lents qui font, font, font la planète une serre impunément et pour l’éternité tueuse, des saletés insidieuses qui émanent des répugnantes chimies mégalomanes et, partout-ci et partout-là, volètent, de la dégoûtante odeur de l’humanité, en somme des assassines molécules pollueuses que le sapiens sapiens a générées hier ainsi que tous les jours depuis qu’il croit avoir domestiqué, petit grotesque titan, le feu de son animalité :

 

 

de la marche privilégiée où périodiques nous résidons, moi allongé sur mon ventre bouddhique, le menton méditatif en la paume qu’on dit qui oint, oint, oint, soudain moi-même heureusement poète, passagèrement désassombri, je tente de me pénétrer de l’illusion d’une soudaine, inespérée, miraculeuse volonté qui pourrait me venir d’encore un coup régénérer cette espèce de.

 

 

Car je suis capable, rarement, mais peut-être encore inconsidérément, d’optimisme.

 

 

C’est pourquoi je fais fi, d’un petit souffle au coin des lèvres, de vos forfaits, et je profite égoïstement, spasmodiquement, cupidement, rapidement, joyeusement, de cette trêve aurorale, avec la rapacité de l’affamé qui n’a mie blanche vu depuis des siècles le pain bis.

 

 

Alors, bordel de dieu, je m’enjoue, vitement, à voguer, à brasses judicieusement amples, tout autour de l’étrange et mouvante orange, momentanément belle, et bleue, à nouveau, pour un entracte d’illusion, désirable, et puis je vais et viens, de sa face lucide à sa nuque blafarde.

 

 

Trop éphémère, hélas, mais sûrement amer émerveillement.

 

 

Tant pis : j’aime assez l’aigre-doux.

 

 

Le jour s’ordonne, bientôt, déjà, comme il le fait à votre habitude, en sa morose matinée, en son réveiller fumigène, et les exhalaisons délétères, désespérément, impatiemment, désagréablement, se mettent derechef à bourgeonner, à s’épaissir, et, cotonneuses, à prospérer, grasses crasses.

Partager cet article
Repost0
24 août 2006 4 24 /08 /août /2006 14:36
POÉSIE
L’apocalypse selon Patryck Froissart

 

 


A travers une poésie éclatante, le poète exprime les maux d’un monde qu’il faut refaire. Avec regret, il attend la défaite finale. Avec espoir, il chante la réalisation d’une prophétie.

 

 

Patryck Froissart, poète mascarin et principal à l’Ecole du Centre, présente son recueil de poèmes dans lequel il offre une vision originale de la fin des temps.

 

 

Et si l’apocalypse était notre seul espoir ! Si la fin du monde était notre seule et unique délivrance ! Pourquoi alors “porter plus loin ce pénible panier” ? Telle est la vision d’apocalypse qu’offre la poésie de Patryck Froissart, poète et principal à l’Ecole du Centre.

Lancé la semaine dernière au Centre culturel Charles Baudelaire, L’éloge de l’apocalypse est «la compilation de textes dont certains ont déjà paru dans des magazines et revues», affirme le poète. Les textes sont ici regroupés et retravaillés. Pour les besoins de la publication, “j’ai doublé d’un second texte en rapport avec le premier”, explique-t-il. Résultat : un petit recueil de “poèmes tout noirs”, à l’image de la couverture qui en broie, mais qui nous invite à souhaiter avec lucidité et poésie la fin des temps ou plutôt le début d’un tout nouveau monde, puisque le titre, à double-sens lui-même, en faisant l’éloge de l’apocalypse fait en quelque sorte celui d’un nouveau monde. A coup sûr, la Bête sera vaincue par l’Agneau. Alors, “en quoi le jour dernier peut-il terrifier” ?

Ce petit recueil de poèmes aux formes fixes et variables et aux vers classiques exploite, on l’aura compris, un même thème : l’aspect noir du monde. Un puissant sentiment du monde à la dérive a fait de Patryck Froissart un poète dont la vision oscille entre le désespoir et l’attente. D’une part, “nul tain ne me convainc/ Que je vis désespéré”, écrit-il, et d’autre part, “quel est ce triste hère/qui erre par la terre ?”, s’interroge-t-il.

“Ce petit recueil de poèmes aux
formes fixes et variables et aux vers
classiques exploite, on l’aura compris,
un même thème : l’aspect noir
du monde. Un puissant sentiment
du monde à la dérive a fait de
Patryck Froissart un poète dont la
vision oscille entre le désespoir et
l’attente.”


Pour comprendre l’origine de ce sentiment ambivalent qui anime la poésie de ce poète, désabusé semble-t-il, il faut revoir son rapport avec la société, énorme buisson dans lequel est enfouie “la folie du moderne Néron”, car “dans ce bois sont tapis de modernes vampires.” Mais des temps modernes, “le loup n’est plus au bois : il hurle à ma lucarne”.

Il n’en faut pas plus pour deviner que si faute il y a, elle ne peut être que du côté de l’homme, “l’être inane”. Nul doute, “l’homme est toujours l’énorme erreur”, écrit-il. Osez les voir, ces êtres sans scrupules : “ils tuent, obtus, ils tuent, mus par des faux docteurs.” Pendant que “le vicaire baveux déprave le candide”, et que “le prêtre au presbytère éprouve l’innocent”, “là-bas l’infâme éventre une femme et la pend”, “le nazi s’égosille et fait donner la claque”, “le banquier dévalise et l’usurier cupide”. Partout, tout est souillé, tout est vain. Et le poète, impuissant, se contente de s’exclamer : “dans les champs, dans les rues, que de sang, que de haine !”

Pourtant l’homme aura été prévenu : “tes frères voleras, violeras et tueras !” Mais rien n’a pu faire que toutes ces choses-là n’ont eu lieu. Voilà qui confirme l’axiome que “l’homme est un loup pour l’homme”. Voilà pourquoi la misère s’est installée sur les trottoirs, pourquoi les enfants se vendent “à la sauvette” à ceux qui oseraient les prendre. Et voilà pourquoi “l’humanité purule et le chancre est vainqueur.” Et au poète de conclure que, malgré le ciel chaleureux, le doux frôler de la brise, le tableau de la plage qui dort et du lagon qui s’étale, pour “l’indolent mascarin” qu’il est, “l’heure est insolite en ce siècle morose.”

Voilà encore qui explique pourquoi sa poésie prend l’aspect de cette éternelle interrogation : “où se terre ce dieu qui régna sur les cieux ?”. Mais tout est déjà vanité. La poésie même et son interrogation est un cri dans le désert. Et l’absurde gagne “ces vers (qui) font litière à (son) proche sommier” et tout le “poème est un venteux verbiage” qui, du coup, “se décompose/ Fatalement en pauvre prose/ Tous mes vers sont dans mon génome”. Face à ce “peuple imparfait pour la cosmique alliance”, il ne lui reste alors qu’une seule alternative : la fuite. “Si vous m’aviez offert, ma mère, avec le jour,/ le choix de repartir pour l’utérine nuit/ je m’y fusse enfui sans deuil et sans ennui/ pour le rare plaisir de l’immédiat rebours”.

Déjà, en ce moment même, s’il n’avait pas appris nos débiles outrances, il serait en train de mailler “des vers en effeuillant des roses”. Car chez lui, “la phrase est (son) transport,/ Le verbe (sa) patrie, le penser lent (son) sport”. Mais, puisque “l’homme ne vaut vesse de veau”, c’est “à des êtres pensifs, paisibles, soucieux” qu’il se propose de réserver sa science. Certes, le poète aspire à la tranquillité, “au calme lent des déserts impubères”. Ce n’est pas l’envie de s’enfuir dans “un trou de campagne” et de faire “bombance aux fruits de l’insouciance” qui lui manque. Mais “se départir ? Sous quels soleils ? Tout est pareil !”, “où changer d’air ? Où s’égailler ? Tout est souillé !”, “Où s’évader ? Dans quelle idée ? Tout est bordé !” Alors, il lui faut agir. Car, “j’aimerais entrevoir quelque rond de douceur, quelque orbe de blancheur, quelque aura de candeur.”

Mais, hélas ! Combien amère est la constatation de son impuissance, comme il l’exprime dans ces vers : “je joins mon murmure aux voix humbles qui veulent étouffer d’un chant doux le cri fou des bourreaux […] ma parole est timide et ma personne est veule.” Il n’y a pas d’issue. Ni dans l’engagement ni dans la fuite. Alors, “pourquoi s’inventer un destin” ? Il ne lui reste plus que la possibilité de nourrir en secret un dernier souhait : attendre passivement jusqu’au jour où “il me viendra l’envie définitive et sage/ de m’enrober au sable émouvant d’une plage […] L’idée me plaît qu’un jour à déjeuner je serve/ A la vermine à qui je fais don sans réserve/ De mon vain cytoplasme…” Pour se venger de la matière porteuse de tous les maux, le poète a choisi alors de lui donner un destin : “Je dédierai ma viande à l’obscure annélide.” Aussi reconnaît-il la source propre de ses maux : “J’ai cherché dans la glèbe un sens à l’existence.” On comprend pourquoi l’apocalypse devient désirable !

 

 

Vèle PUTCHAY

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
24 août 2006 4 24 /08 /août /2006 14:12
L’Eloge de l’Opaque Ellipse

 

  de Patryck Froissart

 

        

 

par Issa Asgarally

 

 

Vendredi 19 mai 2006 : Alliance Française

 

 

 

Je voudrais d’abord remercier Patryck Froissart de me faire l’honneur de m’inviter à dire quelques mots lors du lancement de son deuxième livre publié à Maurice, L’Eloge de l’Opaque Ellipse. Je me souviens du titre de son premier livre L’Eloge de l’Apocalypse, et je me suis demandé si l’Apocalypse serait une Opaque Ellipse ou si l’Opaque Ellipse serait une apocalypse !

 

 

 

Quoi qu’il en soit, la juxtaposition des termes « opaque » et « ellipse » ne doit pas intimider les lecteurs, car la réalité est complexe, opaque et l’ellipse est si présente dans la vie et dans les oeuvres que le non-dit, l’espace entre les mots – comme le disait souvent Jean Fanchette, psychanalyste et poète -- est parfois plus important que le dit. On sait que c’est vrai au théâtre. C’est aussi vrai en poésie.

 

 

 

 

 

Continuité et ruptures : L’alternance de poèmes et de prose, d’où peut-être le sous-titre Proème, a, semble-t-il, dérouté certains lecteurs. Ce n’est pas le fruit d’un pur hasard. Elle repose sur une construction minutieuse qui est faite de continuité et de ruptures. Continuité, car des mots-clés semblent assurer le lien d’un texte à l’autre, poème ou prose. Ainsi dans les deux premiers poèmes -- différents dans leurs structures – de L’Eloge de l’Opaque Ellipse, et le premier morceau en prose, des mots comme « plage » assurent l’unité des textes.

 

 

 

Décembre agonissait mes vannes de bassan

 

Son delta palpitait, vers l’aine de la plage,

 

Orient pour ma remonte au primal Hermitage…

 

 

 

Je sais en ton écume

 

Alors que je m’envase

 

Au nombril de la plage

 

Le clin louche et malin

 

De ton vert cristallin.

 

 

 

Sur la plage fondamentale, un vingt-cinq décembre, adolescent circonstanciel, enjambant les gisants, je brassais l’empyrée, riant d’avoir perdu, dans un âge antérieur, un combat titanesque…

 

 

 

Mais L’Eloge de l’Opaque Ellipse présente également des ruptures. Sa disposition en puzzle est en affinité avec le mode de lecture qui est le nôtre aujourd’hui, consistant à passer d’un type de texte à un autre, et donc à mener deux ou trois lectures à la fois. Dans le livre – il faudrait peut-être citer les « poèmes-journaux » d’Apollinaire qui datent du début du XXe siècle -- il y a quelque chose, dans ses discontinuités, qui s’est certainement autorisé de l’existence et de la nature du journal au long de quelques générations. Parce que l’on sait que le contemporain est habitué à ces sautes, ces ruptures, ces discontinuités, le poème capte ces éléments divers, hétérogènes comme l’a fait justement Apollinaire.

 

 

 

 

 

L’intertextualité : Je voudrais poursuivre ces réflexions en vous racontant une anecdote. Le peintre Georges Braque est interrogé un jour par une visiteuse à son atelier :

 

« D’ou vient  ce bleu de la toile exposée ? »

 

Braque répond non par le bleu du ciel ou le bleu des yeux bleus, mais en entraînant la visiteuse dans un angle où repose une autre toile, ancienne, où se montre le bleu en question.

 

Réponse par l’intertextualité, donc, par la citation. Dans ce cas, on pourrait dire par l’auto-citation. S’il déçoit la questionneuse, c’est pour lui rappeler l’une des sources : l’œuvre vient de l’œuvre, et le livre vient des livres. Ne pas parler de l’autre source, ce n’est pas la tarir. Appelons-là l’émotion, et nous pouvons nous tourner aussi vers elle.

 

 

 

L’expérience commence avec l’émotion. Le bavardage ordinaire aime à parler de choc, de réaction, et autre coup. « Ca m’a fait un choc ! ». Autre incipit qui précéderait l’incipit langagier.

 

Mimésis du réel ou imitation d’un auteur. Qui a commencé, de la poule ou de l’œuf ? Question du cercle. Réponse : les deux.

 

Or la même « chose », croit-on, qui « dans la vie » ne fait pas pleurer, parce que le temps de l’événement n’est pas celui des larmes, voici qu’elle « étreint », qu’elle émeut, pourvu qu’elle se donne en spectacle. Tant que Margot aide sa vieille mère malade, ses yeux restent secs, mais qu’elle voie représentée « au théâtre ce soir » la scène même  qu’elle « vivait » dans l’après-midi -- mais ce n’était pas en scène -- la voici qui pleure au mélodrame. La compassion requiert de la considération, de la mise en tableau. Le reste diurne devient : affection et verbe. Rêve. Et le rêve parlant unifie les deux sources.

 

 

 

Ces réflexions, d’une part sur l’intertextualité, le fait que l’œuvre vient de l’œuvre et que les livres viennent des livres, d’autre part sur la création de l’émotion par la représentation me sont donc venues – ou revenues- à la lecture de certains textes de Patryck Froissart.

 

 

 

Comme celui  qui se trouve aux pages 38-39, l’auteur, à partir d’une lecture /relecture d’un livre Paul et Virginie , lui-même « représentation » du spectacle « de la vie », réécrit le roman. Il le dit :

 

Il faut bien un jour rétablir la réalité de cette autre partie de mon roman.

 

Je délivre ici l’authenticité de mon personnage littéraire spolié.

 

 

 

De quoi s’agit-il ? Si Virginie est Virginie, Paul n’est pas Paul, mais Domingue. Et Froissart-Domingue est le Vieillard, seul « admis dans le secret » :

 

Il n’arrivait point ici qu’il ne les découvrît tout nus, se tenant ensemble par les mains et sous les bras, comme  on représente la constellation des gémeaux. Alors, le dos au tronc, il les contemplait, attendri.

 

Le grand jars blanc faisant le guet, le cygne marron peu à peu déniaisait l’oie. 

 

 

 

Un beau jour, vient « un obscur capitaine ingénieur du Roi », M. de Saint-Pierre, cherchant « un havre sûr à ses jonctions réprouvables et inédites avec Madame P. » Et Domingue et Virginie indiquent au couple circonspect le leur, surveillé par Paul.

 

 

 

Dans le texte à la page 116, l’auteur conclut un de ses propres poèmes par une citation, en vers, d’un poème d’Amin Maalouf dans son roman, Samarcande :

 

Auprès de ta bien-aimée, Khayyam, comme tu étais seul !

 

Maintenant qu’elle est partie, tu pourras te réfugier en elle.

 

 

 

Mais c’est dans le texte aux pages 76-77 que les liens intertextuels se manifestent le plus clairement :

 

 

 

La statistique ( oh ! le mot vil) instruit que l’homme qui espère existe plus volontiers, et de manière plus dynamique, et par cet effet plus longtemps, que l’homme qui a ( lisez l’essai du sage Harold Kaprovski, Avoir sans être, être sans avoir).

 

Certes déçoit Candide qui racine entouré de navets dans son jardin.

 

En quelle vacuité du devenir, en la fadeur de quel boueux hameau, bougre, aurait, inconnu, scié Julien si ne lui eût été donné le privilège de prétendre à l’inaccessible ?

 

Oh !L’ample déploiement de l’être en le cœur de Werther écrivant de Charlotte !

 

Loué soit le prodige par lequel Abélard d’Héloïse imprudemment s’éprit !

 

Devant mes autels auroraux à Cassandre je fais riche oblation de roses.

 

Je brandirais la pieuse banderole à Rome afin qu’on canonise Sherazade.

 

Je monte à son pinacle à chaque aller au lit baiser vénératif la princesse de Clèves.

 

Dans mes forêts de songes francs, vierge ou ribaude en la variante, Atala règne.

 

J’idolâtre l’illustre inspiratrice, Ellénore, Manon, Marguerite, Julie.

 

 

 

Autre exemple : à la page 84, où il est question de Robinson Crusoë et de la personne réelle qui a inspiré Daniel Defoe :

 

Ainsi fut sauvé Crusoé

 

La mer revient  au sable après l’avoir quitté :

 

Décembre qui pavoise où l’astre se pavane,

 

Et ce chagrin qui bruine en l’air gris des Palmistes…

 

Patient dormit Selkirk attendant les trois mâts

 

 

 

Paul et Virginie, Robinson Crusoé, Samarcande, Candide, Les Contes des Mille et Une Nuits : l’intertextualité irrigue L’Eloge de l’Apocalypse.

 

Les livres sont ainsi psychodégradables ! Solubles dans le souvenir ou la rêverie, ils se reproduisent et donnent lieu à d’autres livres…Et il y a culture là où il y a travail actif de l’esprit sur l’objet qui l’a requis – travail actif, c’est-à-dire digestion, assimilation, incorporation finale…

 

 

 

 

 

« Lieux heureux » : Cette promenade d’un livre à l’autre, d’un « personnage de papier » à l’autre, voilà qu’elle gagne, aux pages 58-59, également les lieux « réels »que l’auteur semble avoir fréquentés:

 

 

 

Il est des lieux heureux aux funestes rencontres, fastes aux croisements douloureux et fortuits qui amorcent les rêveries et qui fondent les romans, propices à l’enlacement des flammes dévastatrices des regards, sombrement chargés d’histoires passionnantes.

 

Musarder dans les Pamplemousses, attendre aux bancs ombrés du Jardin de la Compagnie, se baguenauder dans les souks à chichas de Khan Khalili, déambuler au flot des trottoirs vespéraux du boulevards Mohamed V, espérer sur un siège indifférent dans la halle à Gillot où tant de vies s’égarent, être voyeur sur le sable piétiné des Brisants, émouvoir la quamdam de la terrasse d’un café bondé de Bab Bouljoud, forcer les paupières pudiquement baissées aux salons de l’Ibn Batouta entre Tanger et Malaga circonstancient l’événement déclencheur. La suite dépend du penchant à songer.

 

 

 

Par la magie des mots, l’auteur est partout à la fois, les lieux se côtoient, s’entrecroisent. Les frontières deviennent étanches. Le texte redessine une autre topographie, imaginaire, des lieux. Le Maroc voisine avec l’île de la Réunion. L’auteur se sent pousser des ailes :

 

 

 

Foin de toute herbe folle :

 

Un brin de poésie

 

Suffit pour que je vole

 

Aux steppes de l’Asie.

 

 

 

Mais pourquoi l’auteur est-il si intensément satisfait par le simple fait d’être ailleurs ? Parce qu’on est amené à y être plus attentif. L’altérité renouvelle l’attention. Et on voit l’urgence de la poésie dans un monde où notre défaut, le défaut le plus partagé est le manque d’attention.

 

 

 

« Méprise » : L’expérience poétique est un prendre-pour, prenant a pour b, non par erreur mais plutôt à la faveur d’une brève illusion, pour une transformation résolue, changeant l’erreur en ressort. Autrement dit : une méprise – ou un risque de méprise—est changée en prise par l’opération d’un poème. La vigilance poétique et la ferveur poétique favorisent le malentendu. Elles jouent avec l’erreur perceptive, ou « illusion des sens » -- prenant volontiers le nuage pour le troupeau --, mais pour changer la méprise en une vérité possible.

 

Des exemples de cette « méprise » abondent dans L’Eloge de l’Opaque Ellipse :

 

 

 

Et le roulis des rues me porte en son lit, sûr. (p. 46)

 

 

 

Des lacs de ses cheveux qu’elle me pende aux poutres

 

Qu’au lac de sa prunelle elle engouffre mon boutre… (p.96)

 

 

 

Il faudrait souligner la part de la sensualité dans L’Eloge de l’Opaque Ellipse :

 

 

 

Quand dans Son lit d’ylang je me dégangue et vangue,

 

Sombrent le glas des nuits et leurs grimaces pâles

 

A mes vitres natives,

 

Hargneuses.

 

 

 

Mais je terminerai sur une note personnelle. Je m’intéresse depuis quelque temps à deux des plus grandes aventures interculturelles de l’Humanité : en Chine, sous la dynastie des Tang ( 7e-10e siècle), la plus prestigieuse de l’histoire de la Chine, et en Andalousie (Espagne) du 7e au 15e siècle, la plus grande rencontre des hommes et des cultures du Moyen Age. Et je dois dire que j’ai été agréablement surpris de trouver des accents de cette deuxième aventure dans L’Eloge de l’Opaque Ellipse. Dans le texte à la page 24 – il s’agit d’un véritable récit en prose – où Ibn Rachid, s’en revenant de la grande mosquée omeyyade de Cordoue, heurte un passant et apprend à le connaître :

 

 

 

Il me prit à son bras lorsqu’il rendait visite. Qu’il fût flanqué soudain d’un compagnon nazaréen ne surprenait point dans la médina transitaire où se côtoyaient les lecteurs des trois Livres, où se mêlaient sans heurts hauts dignitaires musulmans et dhimmis innombrables

 

 

 

Partager cet article
Repost0

Articles RÉCents

Liens