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  • : Les chroniques de Froissart (Patryck)
  • : Création poétique et littéraire; critique littéraire; philosophie; ésotérisme; politique; antisarkozisme; cultures du monde; francophonie; Maurice; Maroc; Mayotte; La Réunion; Hainaut et Wallonnie; jeux; humour; radio; anticonformisme
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Le site sera régulièrement mis à jour, abondé, enrichi. Il remplacera progressivement le site hébergé par populus, dont les modalités d'administration ne conviennent plus à ce que je souhaite faire.

Patryck Froissart

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26 septembre 2008 5 26 /09 /septembre /2008 13:35

Titre : Ada, ou l’ardeur

Auteur : Vladimir Nabokov

Edition : Arthème Fayard, 1975

Titre original : Ada or Ardor

Traduction : Gilles Chahine et Jean-Bernard Blandenier (traduction revue par l’auteur)

ISBN : 2-245-00334-9

490 pages

 

Ce roman, paru initialement en anglais en 1969, est un diamant littéraire.

 

Le thème essentiel, récurrent chez Nabokov, en est l’inceste.

 

Mais contrairement au René de Chateaubriand, qui se morfond, en même temps que sa sœur et loin d’elle, dans la torture morale et le remords chrétien, ou au personnage, plus actuel, de Aue dans Les Bienveillantes de Littel, qui nourrit pour sa sœur une passion morbide et dévastatrice, Van Veen et Ada, sa cousine et demi-sœur, assument, consomment et revendiquent un amour flamboyant, heureux, sensuel, qu’ils conservent intact et mènent, malgré les vicissitudes et les séparations, parfois très longues, imposées par les conventions sociales, terriblement bourgeoises, jusqu’à la fin du roman, qui décrit la vieillesse paisible qu’ils vivent enfin réunis.

 

Pas de dénouement tragique, donc, puisque notre lecture s’achève sur les réflexions existentielles d’un Van de quatre-vingt-dix sept ans, narrateur et personnage principal, en train d’apporter, aidé d’Ada, les dernières corrections au chapitre qui clôt le récit de ce magnifique amour, toujours vivace, qui n’a jamais faibli depuis les premières étreintes, immédiatement et furieusement charnelles, entre l’adolescent averti de quatorze ans qu’il était et l’ardente jeune fille de douze ans qu’était sa sœur.

 

Avant de réaliser leur rêve de vivre une vraie vie de couple à plus de cinquante ans, leur amour connaît maintes contrariétés, la plus douloureuse étant le suicide, à l’âge de vingt-cinq ans, de la délicieuse Lucette, sœur cadette d’Ada et cousine de Van, follement amoureuse de ce dernier, qui résiste à ses avances et à la proposition d’Ada de construire un « couple à trois » (car Ada adore sa sœur à qui l’unit une passion lesbienne parallèle.

 

 

De nombreuses autres péripéties créent un suspens romanesque qui entraîne le lecteur dans une vie mondaine animée de personnages extravagants, dont Marina, la mère d’Ada, actrice excentrique, et le père de Van, Dementii, surnommé Démon, amant et beau-frère de Marina, et, accidentellement, père biologique d’Ada, voyageur riche et oisif collectionneur de lolitas (autre thème cher à Nabokov).

 

Attention ! Aucune fausse pudeur dans ce très beau roman, que tout lecteur coincé dans l’étroitesse de ses préjugés moraux doit s’abstenir de lire.

 

Outre la sensualité réjouissante et jouissive qui déborde des lignes d’Ada, l’élégance de l’écriture (la traduction en français, revue par l’auteur, est une réussite), l’inventivité romanesque (avec ses glissements équivoques entre deux univers parallèles, sa cartographie fantaisiste et sa folle toponymie), le foisonnement des parenthèses scientifiques (Ada est passionnée par les fleurs et les insectes et Van se passionne pour la philosophie et la psychologie), la multiplication des jeux de mots, les intrusions, dans le cours de la narration, de Van et d’Ada nonagénaires sous la forme de notes, de remarques ou de contestations, font de ce livre, à mon sens, un de ces chefs-d’œuvre qu’on garde précieusement chez soi pour pouvoir y revenir, et en refaire une lecture heureuse, au minimum deux fois l’an.

 

Patryck Froissart, Boucan Canot, le 19 septembre 2008

 

 

 

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28 juillet 2008 1 28 /07 /juillet /2008 10:10

Titre : Les Bienveillantes

Auteur : Jonathan Littel

Editeur : Gallimard 2006

ISBN : 2-07-078097-X

905 pages

 

 

Le roman, outre sa finalité première, qui relève de la poétique, a de multiples fonctions : sociale, historique, psychologique (catharsis), initiatrice…, qui ont toutes fait l’objet d’innombrables études.

Celui de Jonathan Littel  en a une supplémentaire, celle qui consiste à réunir toutes les autres.

C’est le roman total, comme il en existe quelques-uns.

Le personnage et narrateur, Aue, a tout pour déplaire au lecteur.

 

Né de mère française et de père allemand, il quitte la France pour s’engager dans la SS, où il sait que son homosexualité risque de lui coûter la vie. Il est maladivement amoureux de sa sœur jumelle, avec qui il a commis, et voudrait commettre encore et toujours, l’inceste. Il gravit les échelons, avant et pendant la guerre, en s’occupant d’administrer les opérations de nettoyage ethnique des pays envahis. Il s’efforce de parvenir à l’efficacité optimale dans la gestion de l’extermination, et n’en supporte pas la réalité concrète. Tout en cherchant à se faire bien noter, il a le sentiment de sa médiocrité, et ne doit son avancement qu’aux interventions de son ami Thomas, qu’il finit par tuer, après avoir assassiné, au cours d’un voyage en France occupée, sa propre mère et son beau-père. Persuadé du bien-fondé de la mise en œuvre de la solution finale et du programme de purification raciale, il regrette que l’extermination ne se fasse pas plus « proprement », et que la force de travail des millions de déportés ne soit pas exploitée efficacement pour l’édification du Reich et sa victoire contre l’ennemi. Il calcule en bon gestionnaire ce que doivent être la ration maximale de nourriture et les conditions minimales d’hygiène pour que l’esclave reste rentable.

Entre ses vomissements et ses diarrhées schizophréniques, il organise méthodiquement l’holocauste.

 

En tout cela, il est odieux, mais il n’est pas inhumain.

Voilà ce qui crée le malaise chez le lecteur que l’auteur amène, insidieusement, par petites touches, à se demander si entre Aue et lui, nulle affinité n’est possible, d’autant plus crucialement que le "héros" s’exprime à la 1 ère personne, ce qui empêche la distanciation.

 

Aue dégoûte, certes.

Mais il n’est pas invraisemblable : il est, par la force du roman, un homme qui peut avoir existé, qui a existé, qui existe, il faut avoir la lucidité et l’honnêteté de le reconnaître, non seulement au-dehors, mais aussi, tragiquement, au-dedans de chacun d’entre nous.

 

Aue dégoûte, certes, mais il nous nous force à nous voir tels que nous sommes.

 

Un romancier atteint au génie lorsque le lecteur sait que le roman n’est pas qu’un roman…

 

Pour moi, ce roman n’est pas que littérature.

 

Patryck Froissart, St Gilles les Bains, le 28 juillet 2008

 

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21 avril 2008 1 21 /04 /avril /2008 12:35

Titre : Les promesses du péché

Auteur : Rosalind Miles

Editeur : France Loisirs (1992)

Titre original : Prodigal sins

Traduit de l’anglais par Bernard Gilles

ISBN : 2-7242-7315-X

 

 

 

Robert Maitland, s’estimant responsable de l’accident de voiture qui a tué ses parents, décide de devenir pasteur comme son père, encouragé par sa sœur Joan et par celle de son meilleur ami Paul, Claire, qu’il épouse.

Il est affecté, plusieurs années après son entrée en fonction, à Brigthstone, ville minière d’Australie, où il reprend la chaire paternelle, étroitement aidé et encadré par les deux femmes.

Paul, qui travaille à la mine, se lance dans le combat syndical et évince le dirigeant Calder, accusé de collaborer avec le patronat.

Calder est le père d’Ally, belle, jeune, amoureuse du pasteur avec qui elle noue une liaison adultère passionnée, à l’insu de tous, et de Paul qui l’aime également.

Cette situation provoque une série de drames. Au long d’une sombre soirée, alors que l’orage se déchaîne sur la ville et qu’un grave éboulement engloutit des centaines de mineurs, Robert tue Calder accidentellement, lors d’une rixe au bord de la falaise, puis se rend à la fosse pour porter secours, et est lui-même victime d’une chute qui le rend amnésique. Au même moment, Joan, pour protéger son frère, convainc Ally de s’exiler et, pour faire croire à sa mort, jette les  chaussures de la jeune fille au bas de la même falaise. Paul, accusé du double meurtre, est emprisonné.

 

Des années plus tard, Robert, qui n’a pas retrouvé toute sa mémoire, et qui a en particulier totalement oublié l’existence d’Ally et ce qui s’est passé entre Calder et lui, est devenu un pasteur en vue à Sydney.

Tout va bien. Joan veille jalousement à ce qu’aucun élément du passé ne vienne réveiller les souvenirs de son frère, et Paul moisit en prison.

Mais voici que le visage d’une jeune paroissienne récemment arrivée d’Angleterre, Emma, rallume des éclairs de mémoire en l’esprit de Robert, du fait de sa ressemblance avec Ally.

 

D’autres drames naissent de cette rencontre, fomentés par Joan, jusqu’à ce qu’éclate toute la vérité, et que Robert, déclaré non coupable de la mort de Calder, et sa femme Claire adoptent Emma, qui n’est autre, bien évidemment, que la fille d’Ally... Joan, pour faire moralement correct, se tue en voulant tuer Paul qui s’est évadé...avant d’être reconnu innocent...

 

C’est un bon roman de gare, ou de plage. L’intrigue, bien que dénuée d’originalité, est bien ficelée. Les moments dramatiques alternent avec des scènes d’amour d’un érotisme convenu. Les états d’âme de Robert ne sont pas loin de ceux de personnages de Guy des Cars.

 

C’est un livre qu’on peut lire pour s’occuper.

 

Patryck Froissart, St Gilles, le 18-04-2008

 

 

 

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21 avril 2008 1 21 /04 /avril /2008 12:34

Titre : Trop belle Orovida

Auteur : Yael Guiladi

Editeur : Pygmalion/Gérard Watelet – Paris – 1985

Titre original : Orovida

Traduit de l’anglais par Gisèle Bellew

459 pages

ISBN : 2-85704-180-2

 

Orovida, juive espagnole, vient d’épouser Don David Villeda, riche lainier de Tolède, dont la famille, en partie convertie au christianisme, fait partie des familiers d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon, les nouveaux souverains de l’Espagne en cours de Reconquista.

La beauté et la culture d’Orovida sont renommées bien que le couple reste volontairement à l’écart des fastes et des honneurs de la Cour, ce qui vaut à Don David, qui a pourtant aidé Isabelle et Ferdinand dans leur conquête du pouvoir, le mécontentement de la reine.

Isabelle décide que l’Espagne sera catholique.

Elle incite les non catholiques à se convertir.

Don David refuse.

Les disgrâces pleuvent.

Isabelle dépouille peu à peu les Juifs riches qui lui résistent, et met en place dans chaque ville d’Espagne un ghetto où les Juifs sont, l’un après l’autre, obligés de s’enfermer.

Don David et Orovida quittent Tolède pour Villafranca, où ils remettent en valeur, à force de travail, un domaine viticole. La reine n’ose pas s’attaquer ouvertement à eux : le beau-frère d’Orovida, le meilleur médecin du royaume, est le seul qui sache soigner la dauphin à la santé fragile.

Mais Isabelle obtient du pape un décret lui permettant d’installer l’Inquisition espagnole.

Don David et Orovida, comme tous leurs coreligionnaires, mais aussi les convertis, tous soupçonnés d’avoir conservé secrètement des pratiques judaïsantes, subissent les pires persécutions.

Don David est tué.

Orovida, veuve, riche, et belle, aimée et protégée par Juphré, seigneur catholique dont l’épouse est devenue la maîtresse du roi Ferdinand, devient l’objet des désirs libidineux des représentants locaux du pouvoir, qui, à force de complots et de calomnies, réussissent à écarter Juphré et à parvenir à leurs fins, avant de livrer Orovida au bûcher, après l'avoir à plusieurs reprises emprisonnée, libérée sur intervention royale, reprise, et suppliciée publiquement.

Les tribunaux de l’Inquisition se sont mis à l’œuvre, et leur activité infernale ne sera officiellement supprimée qu’en 1834, après 4 siècles d’un holocauste juif, arabe, puis protestant qui aura fait des dizaines de milliers de victimes.

 

Ce roman n’est pas, littérairement, une grande œuvre.

Mais il offre l’intérêt de nous faire pénétrer dans l’histoire, insuffisamment connue, de ces familles juives qui, avec les savants arabes, ont fait la puissance de l’Espagne avant d’être persécutées, dépouillées, torturées, massacrées ou déportées.

 

A lire.

Patryck Froissart, le 21 avril 2008, à St Gilles les Bains

 

 

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21 avril 2008 1 21 /04 /avril /2008 12:32

Titre : Chroniques abyssiniennes

Auteur : Moses Isegawa

Titre original : Abessijnse kronieken

Traduit du néerlandais par Anita Concas

Editeur : Albin Michel (Paris – 2000)

ISBN : 2-226-11648-6

 

 

Serenity est professeur. Il est le premier de la famille à quitter le village pour s’installer en ville, après son mariage avec la féroce Cadenas, qui aurait voulu être religieuse, et qui traite leurs enfants, dont le narrateur, avec une extrême brutalité.

 

Serenity a pour maîtresse la belle et sensuelle Nakibuka, la tante de sa femme.

 

Ce roman torrentueux charrie les vies des innombrables membres de la famille de Serenity et de celle de Cadenas, bousculées en quelques décennies de la riche tradition africaine millénire à la pauvreté de la vie moderne dans un Ouganda acculturé par la colonisation, déchiré par les guerres civiles et les dictatures, dont celle d’Idi Amine Dada, et touché par le sida.

 

Cadenas est emportée dans la forêt sur les cornes d’un buffle furieux, Serenity meurt avalé par un crocodile. Leur corps ne sera jamais retrouvé : c’est une génération qui disparaît, sans laisser de traces, dans la gueule brutale de l’Histoire, quand jusqu’alors, au village, le souvenir des ancêtres s’entassait, soigneusement conservé, par couches successives.

De toute façon, le village ancestral, lui aussi, a disparu.

 

Le fils de Serenity, narrateur, représentant la génération suivante, fuit cette Afrique qui a perdu son âme, émigre en Europe, découvre les ghettos et les préjugés raciaux, et y perd son être.

 

Toute la tragédie africaine de la fin du XXe siècle est là.

 

L’œuvre est magistrale. Le point de vue du narrateur est dénué de toute complaisance. Les scènes sont brutales, comme l’est la « modernisation ». L’expression est crûe, la violence est rendue sans fioriture, avec les mots qui heurtent. Mais la poésie, mais la magie, mais la sensualité qui baignent les personnages ensorcellent le lecteur : Moses Isegawa est un immense griot.

 

Un grand roman, incontournable.

 

Patryck Froissart, St Gilles (Réunion), le 18 avril 2008

 

 

 

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27 novembre 2007 2 27 /11 /novembre /2007 18:16

Titre : La princesse de Siam

Auteur : Alexandra Jones

Traduction : Marie-Louise Navarro

Editeur : France Loisirs – Presses de la Cité – 1990

ISBN : 2724264533

421 pages

 

Elly a huit ans. Elle est la fille d’un médecin danois, veuf, qui exerce son art au service de la Cour Royale et du Régent de Siam à la fin du XIXe siècle.

Phra Tod a neuf ans. Il est le fils d’un prince de Siam et d’une de ses concubines, une Anglaise.

Le père de Phra Tod, après être devenu bonze et avoir revêtu la robe safran, continue, en contravention avec la loi du royaume, d’avoir des relations sexuelles avec sa concubine, qui tombe enceinte.

Le prince est décapité, et le Régent ordonne qu’on fasse mourir la concubine à petit feu.

 

Elly, qui accompagne volontiers son père au chevet des patients, et Phra Tod se rencontrent au chevet de la concubine anglaise, qui, sur le point d’accoucher, meurt devant eux.

 

Elly, peu après, est envoyée par son père au Danemark pour y faire son éducation. Phra Tod assiste à son départ et se jure qu’elle sera un jour à lui.

 

A l’issue d’un long séjour au Danemark, où elle côtoie la famille régnante, Elly revient au Siam avec un diplôme de chirurgien et monte une clinique populaire.

Pendant ce temps, Phra Tod a dû fuir le pays et le Régent, et a fait fortune dans le trafic de jade au Cambodge et à Saïgon avant de pouvoir, le Régent étant mort, rentrer au pays.

 

Leurs vies se croisent à nouveau, et le serment de Phra Tod se réalise. Ils se marient, bien que Phra Tod ait déjà une épouse et des concubines, mais leur amour est traversé de crises, de tumultes, de ruptures et de retours, alors que Phra Tod, gagné à l’idéologie démocratique occidentale, entre en résistance contre le régime monarchique, et que son épouse se consacre à l’exercice de la médecine.

 

On l’a compris : il s’agit d’un roman d’aventure et de passion amoureuse, au cours de quoi  s’affrontent, dans le couple, les mentalités européenne d’Elly et asiatique de Phra Tod, les idées progressistes et les traditions, sur fond d’histoire mouvementée d’un pays au régime despotique qui élimine ses opposants sans aucun scrupule.

 

Les clichés, et l’ethnocentrisme, ne sont pas absents, et la position sociale des protagonistes est conventionnelle.

Mais le suspens est habilement entretenu, et on se laisse prendre, sans réticence, à l’enchaînement des péripéties.

 

Voilà un livre délassant, qu’on peut parcourir aussi bien à la plage qu’au coin du feu.

 

Patryck Froissart, Boucan Canot, le 27 novembre 2007

 

 

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21 novembre 2007 3 21 /11 /novembre /2007 16:29
Titre : La passion du docteur Christian
Auteur : Colleen Mc Cullough
Editeur : France Loisirs
Titre original : A creed for the third millenium
Traduit de l’anglais par Françoise Cartano
ISBN 2724229029
352 pages



L’histoire se passe vers 2030, alors que la planète connaît une glaciation brutale. Les populations se concentrent dans la zone intertropicale, fuyant les grands froids contres lesquels, les sources d’énergie fossiles étant quasiment épuisées, elle ne peut lutter.
Dans ce qui reste des Etats-Unis, comme ailleurs, une politique draconienne de limitation des naissances a été instituée, car la réduction des terres cultivables a entraîné une chute dramatique de la production agricole, et seule la diminution rapide et contrôlée de la courbe des naissances permet au peuple de survivre.
Dans ce contexte, le gouvernement américain enregistre une hausse exponentielle des dépressions aboutissant à toujours plus de suicides.
Il faut redonner de l’espoir aux citoyens, sinon les Etats-Unis sombreront dans le chaos.

Le Dr Judith Scarriott est chargée par le président de mettre au point une opération miracle : il s’agit, secrètement, de sélectionner le citoyen américain le plus à même, par un charisme naturel, de restaurer la confiance en l’humanité et en la grandeur de la destinée du pays.

Après des années de filtrage informatique de millions de dossiers individuels, émerge un certain Dr Joshua Christian, qui soigne, justement, les dépressifs dans sa petite clinique privée.

Judith Scarriott reçoit mission officielle de l’aider à écrire le « Livre » qui sera diffusé massivement aux Etats-Unis puis dans le reste du monde, et de l’amener à entreprendre une série de conférences de ville en ville, jusqu’à ce que le Dr Joshua Christian, sublimé en nouveau Messie, accomplisse son chemin de croix...

On l’a compris, Judith Scarriott est Judas l’Iscariote, Joshua Christian est le nouveau Jésus Christ, etc... et le roman est une version moderne de la Passion.

Bien que les références, plus ou moins avouées, à la Passion du Christ sous-tendent le récit, on peut lire le roman, et se laisser prendre à son suspens habilement entretenu, sans avoir fréquenté le catéchisme.

Cela se lit bien, et le lecteur est invité à réfléchir sur les mécanismes du conditionnement des masses par les médias, et sur la situation de catastrophe durable qui attend les générations futures si nous ne nous mettons pas d’urgence à gérer raisonnablement notre planète.

Patryck Froissart, Boucan Canot, le 21 novembre 2007
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6 novembre 2007 2 06 /11 /novembre /2007 19:05

Titre : Histoire de Mayta

Auteur : Mario Vargas Llosa

Editeur : Gallimard - 1986

Titre original : Historia de Mayta

Traduit de l’espagnol par Albert Bensoussan

Collection Folio

ISBN 2070314111

482 pages

 

Le narrateur, journaliste écrivain, se faisant passer pour un de ses anciens condisciples, enquête sur la vie du Péruvien Mayta, qui, dans sa jeunesse, fut, dans le Pérou des années 50/60 parcouru, comme tous les pays d’Amérique Latine, par des mouvements sporadiques, réprimés férocement, de revendication prolétarienne et paysanne, un agitateur local, membre d’un groupuscule d’intellectuels trotskistes.

 

Le procédé romanesque, original, dessine peu à peu, par ce que lui racontent, souvent avec des points de vue contradictoires, les personnages qui ont connu Mayta, le portrait d’un héros à la fois pitoyable et admirable de naïveté, d’idéalisme et de foi révolutionnaire, qui rate toutes les actions qu’il entreprend et finit par passer une partie de sa vie en prison pour avoir participé à deux attaques de banques en vue d’alimenter les caisses d’autres groupes combattants. Bien que l’argent volé ainsi ait été détourné par ses complices, Mayta, par conviction, ne veut pas le savoir, et refuse de les dénoncer, ce qui lui vaut d’être condamné lourdement.

 

Les éléments recueillis par le narrateur se croisent, se superposent, affinent ou déforment la figure de Mayta, et retracent, en toile de fond, le passé mouvementé du pays, tandis que le narrateur évolue lui-même dans un présent tragique qu’il rapporte, en journaliste, à la fois en tant que témoin direct et au travers des commentaires et de la situation des personnages rencontrés.

Le récit se nourrit des luttes d’influence entre staliniens, léninistes et trotskistes, des échos de la grande aventure révolutionnaire de Che Guevara et des frères Castro, et de la confiance en l’aide éventuelle de l’Internationale Socialiste et des partis communistes.

 

On doute, par moments, de la réalité de Mayta, et le narrateur entretient le flou, alterne, souvent de façon déconcertante, les récits décalés des protagonistes, le récit direct, classique, qui met Mayta en scène au moment de son action, ce qu’il voit du Pérou au temps de sa quête, un métacommentaire subjectif à propos du héros et de ses actes, tout en ajoutant par-ci, par-là, des traits de sa propre invention d’écrivant, prêtant à Mayta, par exemple, des relations homosexuelles avec l’un des membres du groupe.

 

Le roman est ainsi composé de manière très ingénieuse, multivoque, et invite le lecteur à démêler les fils de la trame afin de se faire sa propre représentation de Mayta.

 

Le lecteur qui a eu vingt ans à la fin des années 60 retrouvera en l’histoire de Mayta tous les espoirs, les aspirations, la pureté, les rêves, les utopies, et les désillusions de sa jeunesse.   

 

Patryck Froissart, Boucan Canot, le 6 novembre 2007

 

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27 octobre 2007 6 27 /10 /octobre /2007 15:24

Titre : La bâtarde d’Istanbul

Auteur : Elif Shafak

Editeur : Phébus – Paris - 2007

Titre original : The Bastard of Istanbul

 

Traduit de l’anglais par Aline Azoulay

320 pages

ISBN : 2752902786

 

Amy, une jeune étudiante de l’Arizona, est la fille de Rose, une Américaine « bon teint » et de Barsam, un descendant de ces Arméniens qui ont émigré massivement aux Etats-Unis pour fuir les exactions turques. Ses parents ayant divorcé, elle partage son temps entre sa famille arménienne et sa famille américaine, celle-ci composée de sa mère et de son beau-père, Mostapha, un Turc récemment immigré avec qui Rose a choisi de vivre par provocation à l’encontre de la parentèle de son premier époux.

 

Asya, une jeune étudiante turque d’Istanbul, est la fille de Zéliha, une Turque moderne, célibataire et anticonformiste, et, bâtarde, ignore qui est son père. Elle vit avec sa mère et ses tantes dans une grande maison uniquement habitée par des femmes, entre qui, subtilement, planent de lourds secrets. Fruit d’une faute maternelle dont elle ignore tout, tout en copiant la modernité et la liberté de sa mère, elle vit avec elle une relation quotidiennement conflictuelle.

 

L’envie vient à Amy de connaître la ville d’origine de ses ancêtres paternels.

Elle se rend, à l’insu de ses deux familles d’Amérique et de son beau-père, à Istanbul où elle se fait héberger la famille de ce dernier, qui se trouve être celle d’Asya.

 

L’arrivée d’Amy à Istanbul au début du XXIe siècle, c’est la résurgence, brutale, de l’Histoire tragique du début du siècle précédent. Amy, de son vrai prénom, arménien, Armanoush, involontairement, déclenche, par son irruption, des réminiscences douloureuses d’un passé tragique collectif, qualifié de génocide par les uns et d’événements historiques circonstanciels par les autres, et de drames personnels soigneusement refoulés.

 

Au cours du récit, on découvre, détail par détail, les terribles liens qui unissent, au passé et au présent, Armanoush et Asya, et dont la révélation provoque une nouvelle tragédie familiale.

 

L’étroite intrication de l’histoire, sur quatre générations, des familles d’Asya et d’Armanoush, et l’amitié qui naît, irrésistiblement, entre les deux jeunes filles, révèle clairement le dessein de l’auteure, elle-même Turco-américaine, de montrer que le destin des deux communautés, en dépit de la fracture qui s’est produite entre elles en 1915, des crimes qui ont été commis, et des cicatrices, encore vives, qu’ils ont laissées dans les mémoires, et qu’il ne convient pas d’effacer, est de se retrouver un jour, fatalement, et d’accepter, ou de refuser de se reconnaître comme parties d’une même famille, partageant une même culture, symbolisée ici, de façon très sensuelle, et intime, par la similitude des goûts et usages culinaires (chaque chapitre portant en titre un ingrédient de cet art commun, y compris le plus toxique, celui qui a empoisonné les relations entre Turcs et Arméniens).

 

Réconciliation possible ? Haine irréductible ?

Le roman pose la question, ce qui, en soi, est encore aujourd’hui une démarche ardente, pleine de risque, puisque l’auteure, Elif Shafak, dont il faut saluer le courage, a été traduite devant la justice turque et n’a dû son acquittement qu’au soutien massif de personnalités de tous pays.

 

Il faut lire ce livre, qui réduit en miettes de nombreuses idées reçues sur la Turquie d’aujourd’hui et sur la tragédie turco-arménienne.

 

Patryck Froissart, Boucan Canot, le 27 octobre 2007

 

 

 

 

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27 octobre 2007 6 27 /10 /octobre /2007 12:21

Titre : L’esclave des Caraïbes

Auteur : Unity Hall

Editeur : Belfond - 1992

Titre original : Windsong

Traduit de l’anglais par Claude Lemoine

Collection : Le Livre de Poche

574 pages

ISBN : 2253139165

 

 

Il est bon de se laisser entraîner parfois dans l’aventure d’un récit au romanesque convenu, où les épisodes s’enchaînent naturellement bien que constitués de rebondissements invraisemblables, qui maintiennent l’attention continuellement en suspens.

Ce n’est certes pas là de la grande littérature.

Mais cela permet de passer quelques heures agréables, comme devant un film aux séquences bien construites.

Amelia, son frère Zachary et son cousin Ben, jeunes Anglais dont la famille a été mêlée à un complot contre le roi, sont déportés et vendus comme esclaves dans une île des Antilles.

La situation de départ est donc singulière à souhait : des blancs, dont une jeune fille vierge, se retrouvent, dans une plantation, à partager les conditions de vie des esclaves africains, soumis comme eux au bon vouloir et à tous les pouvoirs, y compris celui de cuissage, d’une famille de maîtres.

L’intérêt est de raconter l’histoire quotidienne, somme toute classique et qui a donné lieu à une abondante série de romans depuis La Case de l’oncle Tom, et, plus récemment, à un déferlement de feuilletons télévisés, des relations entre maîtres et esclaves sur une plantation sucrière, à partir du point de vue d’une esclave à la fois semblable aux autres et différente.

 

Bien entendu, les thématiques narratives de l’auteure, elle-même anglaise, découlent de sa propre culture d’appartenance.

Bien entendu, les destins d’Amélia, jeune, belle, sensuelle, violée par le maître et follement amoureuse d’un esclave qui lui donne une fille, de Ben, violé par Justinian, le fils du maître, et de Zacharie, meurtrier, pour venger son cousin, de Justinian, seront exceptionnels.

Bien entendu, les trois blancs ne peuvent pas finir esclaves. Ce ne serait pas littérairement correct.

Bien entendu, Amélia, Ben, et Zacharie, au terme d’une vie pleine d’aventures, se retrouvent quasiment propriétaires de toute l’île et d’une multitude d’esclaves qu’ils traitent, bien entendu, mieux que leurs pairs planteurs, mais qui n’en sont pas moins esclaves car il faut bien, n’est-ce pas, que l’Europe puisse continuer à se sucrer...

 

Une fois que le lecteur vigilant a repéré les ambiguïtés idéologiques et s’en est accommodé, il n’en reste pas moins un récit prenant, des personnages hauts en couleur avec leurs nombreux défauts et leurs quelques qualités, et, peut-être, une peinture assez juste de la vie des plantations.

Les ingrédients sont bien dosés, et bien répartis dans le fil du récit : scènes de violence, scènes émouvantes, scènes de sexe, remarques anti-esclavagistes compensatoires, tout y est.

 

Patryck Froissart, Boucan Canot, le 27 octobre 2007

 

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