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  • : Les chroniques de Froissart (Patryck)
  • : Création poétique et littéraire; critique littéraire; philosophie; ésotérisme; politique; antisarkozisme; cultures du monde; francophonie; Maurice; Maroc; Mayotte; La Réunion; Hainaut et Wallonnie; jeux; humour; radio; anticonformisme
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Ouvrages personnels

- L'éloge de l'apocalypse (recueil de poèmes de 80 pages) publié en 2003
- L'éloge de l'opaque ellipse (recueil de poèmes et de textes en prose de 180 pages) publié en avril 2006
- Chroniques puantes, en cours d'écriture

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Le site sera régulièrement mis à jour, abondé, enrichi. Il remplacera progressivement le site hébergé par populus, dont les modalités d'administration ne conviennent plus à ce que je souhaite faire.

Patryck Froissart

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18 juin 2006 7 18 /06 /juin /2006 20:41

“L’éloge de l’opaque ellipse”

 

de Patryck Froissart

 

17h30

 

Alliance Française

 

Bell Village

 

Vendredi 19 mai

 

17h30

 

 

Présentation et séance de dédicaces.

 

 

 

Froissart, poète mascarin, recteur de l’Ecole du Centre à Moka, a vécu en France, au Maroc, à Mayotte, à La Réunion.

 

Il réside depuis 5 ans à Maurice, où il a publié, en 2003, L’éloge de l’Apocalypse.

 

Ce deuxième ouvrage de Patryck Froissart est un long « proème » de 184 pages (poésie à formes fixes et classiques, prose poétique, poèmes de forme libre et poésie prosaïque…).

 

Le thème, unique, en est la quête, éternelle, de l’amour, ou de la femme, en vérité des deux.

 

Cette histoire d’amour, comme toutes les histoires d’amour, est alternance de pleins et de vides, de départs, d’arrivées, de retours, de disparitions, de retrouvailles, de réincarnations, de ruptures, d’événements et d’ellipses.

 

Patryck Froissart s’y impose des contraintes de forme très rigoureuses, mettant en alternance de façon systématique un poème de forme classique, fortement structuré, sur une prosodie régulière, puis un poème à vers libres, puis un récit en prose de longueur mesurée.

 

 

 

 17h30

 

 

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18 juin 2006 7 18 /06 /juin /2006 20:39

LIRE


Dans les secrets de l'ellipse

 

Lire le dernier recueil de Patryck Froissart, L'éloge de l'opaque ellipse, est un exercice exigeant, qui invite autant à se laisser voguer au gré et au chant des mots… qu'à amortir son dictionnaire de français. Et si le lecteur parfois s'agite à l'idée de n'avoir pas l'esprit assez alerte pour saisir la portée d'une référence à un moment, le plaisir d'y revenir n'en sera que plus grand avec de nouvelles dispositions.

En soi, L'éloge de l'opaque ellipse dépasse le simple jeu de mots qui réfère au précédent recueil (L'éloge de l'Apocalypse). La première ellipse à la lecture de ces textes pourrait d'ailleurs être ce que chaque lecteur omet d'y voir la première fois. Aller et revenir à cette lecture - à l'instar de l'auteur qui va et vient entre la prose et la forme versifiée, entre la plus classique des ballades et le poème minimaliste - devient à la fois un jeu et une découverte continus aux aspects les plus divers, une sorte de corne d'abondance, dont chaque strophe, poème ou texte en prose serait un fruit.

Comme l'a démontré Issa Asgarally lors du lancement à l'Alliance française, les références sont nombreuses, tant à Villon, qu'à un certain Jean Froissart, poète du XIVe siècle, à Samarcande, Robinson Crusoé, Paul et Virginie, à la littérature nord-africaine, voire asiatique. L'auteur avoue avoir appris récemment que le poète contemporain Francis Ponge avait lui aussi utilisé le terme "proème" dans Le Parti-pris des Choses. Il s'est pour sa part davantage référé à la poésie épique.

Dans la forme syntaxique, les tournures de phrases et le caractère exalté des textes font penser à La Chanson de Roland, voire même à L'Illiade. Ceci est valable autant pour les textes en prose que ceux en vers, qui se succèdent du début à la fin.

Ce "proème", qui est débarrassé de toute forme de rupture, telle que des titres ou parties, fonctionne certes à la manière du miroir binaire, grâce à cette alternance de vers et de prose, mais il se révèle, finalement comme un miroir kaléidoscopique où se renvoient et se reflètent, de multiples façons, tout ce qui peuple l'imaginaire d'un auteur.

Patryck Froissart se donne tous les droits devant la page blanche, dit-il. Le droit d'écrire ou de décrire par exemple une sensualité bouillonnante qui ne lésine pas sur les métaphores et les variations formelles, pour dire tout ce que femme lui évoque. Cet imaginaire généreux témoigne aussi d'un art de l'observation qui sait être introspectif. L'auteur explore son ressenti autant que l'objet de ses préoccupations et les situations qui affleurent au détour du souvenir d'un moment. L'homme, tout animal et spirituel qu'il soit, semble exprimer ici des désirs, des nostalgies, des sensations de dégoûts ou de mépris parfois, et des jouissances merveilleuses le plus souvent.

Ce livre propose, en fait, un voyage dans l'intimité autant que dans les pays que l'auteur a connus en habitant plus qu'en visiteur. La forme prosaïque laisse transparaître encore quelque fois le caractère exutoire, qui est très présent dans le premier recueil, cette révolte adolescente dont Patryck Froissart voulait se débarrasser. Cette errance dans le temps et l'espace explore cependant avec une constance et un bonheur minutieux, la nature, le monde végétal et animal que lui suggèrent les îles tropicales. Ses patries poétiques, là où se déchiffre l'ellipse du renaître.

Dominique Bellier

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18 juin 2006 7 18 /06 /juin /2006 20:37

"Proésie"

 

Patryck Froissart nous livre sa geste

Entre les XIe au XIIIe siècle, la chanson de geste désignait un poème épique chantant les exploits de héros historiques ou légendaires. Un genre que semble vouloir remettre au goût du jour Patryck Froissart, à travers son recueil lancé la semaine dernière, L'éloge de l'opaque ellipse.

 

L'auteur, manifestement, ne refuse pas les titres énigmatiques, ce recueil venant après L'éloge de l'apocalypse, paru il y a deux ans. Les jeux de mots, dans une langue des plus recherchée, abondent d'ailleurs tout au long de ce "proème", alternance méthodique de textes en prose et en vers (souvent des alexandrins). Et c'est bien le sentiment de se retrouver au cœur d'un cycle de poèmes épiques qui frappe d'emblée ici. Tradition que l'auteur revisite toutefois ici avec une maîtrise et une originalité indéniables.

 

La geste de Patryck Froissart a en effet pour particularité de s'attacher aux "exploits" pas seulement de héros mais aussi d'héroïnes. Car il est ici question d'exploits amoureux. Il y chante, tout au long, un amour qui ne se contente pas d'être courtois, mais qui se délecte aussi volontiers d'une sensualité, voire d'un érotisme très prégnant. Parcourant, "les sens pâmés", un univers où l'on se désaltère "à longues goulées de volupté". De plus, dans une ellipse qui semble davantage faire référence à la figure géométrique de la courbe plane qu'au fait de syntaxe ou de style qui consiste à omettre des éléments ou proposer un raccourci, l'auteur nous entraîne dans une longue, lente et riche pérégrination qui couvre aussi bien les divers cycles de l'amour que les siècles.

 

Les débuts sont ainsi prometteurs. "Je la souhaitai, elle se promit, nous nous destinâmes. Splendide conjugaison." La tentation, voire la trahison, ne sont jamais bien loin, alors que "sous nos sarouals s'impatientait l'étincelle intemporelle d'une identique et indomptable aspiration à l'illégal rallumement des braseros adultères". Et désamour et séparation finissent souvent par être au rendez-vous, malgré les efforts dérisoires pour retenir l'autre. "Pourquoi ne sait-on pas qu'il est vain de bâtir/Quand il n'existe pas de muraille qui tienne/Si l'amie veut guérie de nous se départir ?"

 

D'amour en amour, l'auteur nous promène à travers les âges, du quinzième siècle après l'hégire, chez les femmes flâneuses au hammam "où leur peau s'huile", près des souples Nubiennes chantonnant des mélopées berbères, jusqu'à Martine et Martin qui se marient et vivent dans un trois-pièces, en face de la supérette, "dans une banlieue correctement polluée". En passant par une histoire de Paul et Virginie singulièrement et subversivement revisitée…

 

La langue vit et vibre en conséquence, allant d'une expression proche de l'ancien français (qui peut parfois présenter un certain hermétisme au lecteur contemporain) à l'utilisation de constructions et d'expressions tout droit venues de cette île de la Réunion où l'auteur a longtemps vécu avant de venir passer à Maurice ces dernières années (voir poème plus loin). Avec dans l'entre-deux des références omniprésentes mais subtiles à une multitude d'auteurs comme Lautréamont ou Hugo, pour ne citer que ceux-là.

 

"Fassent ma plume et mon précieux démon que les départs n'aient pas de fin !", conclut l'auteur. L'ellipse, savamment dessinée, laisse une trace qui résistera certainement à l'oubli…

 

Quand me raleras-tu, tramé dans ton tramail ?

 

Quand me souqueras-tu, tantine, en ton boucan ?

 

De tes piments martins, m'acoquineras-tu ?

 

Quand me colleras-tu, zézère, en ton miel vert ?

 

Filerons-nous marrons ensemble en les vavangues ?

 

Quand lianerons-nous aux îlets inviolés ?

 

Dans ta vouve, ô gatée, me prendras-tu bichique ?

 

M'offriras-tu ton nid, frivole salangane ?

 

Quand nous becquerons-nous, tout accostés, cafrine ?

 

Vous pouvez moucater

 

Mon causement gros doigt

 

Votre foutant, mounoir,

 

N'est que de bouche sale

 

A la barre du jour

 

J'irai vanguer encore

 

Au retour de la poique

 

On m'ouïra souplaindre

 

 

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18 juin 2006 7 18 /06 /juin /2006 20:13

Auteur : Vikram Seth

Titre : Un garçon convenable

Traduit de l’anglais par Françoise Adelstain

Genre : roman

Editeur : Bernard Grasset (Paris)

 

 

Ce roman foisonnant de 1200 pages entraîne le lecteur dans l’Inde du milieu du XXe siècle, quelques années après l’indépendance. Le récit commence par un mariage, et se termine par un autre.

La plupart des personnages entrent en scène au cours de la première soirée de noces. Les caractères, très fortement campés, s’esquissent d’emblée, par le biais des discours, des gestes, des comportements, des réactions des uns et des autres. Quatre familles s’y croisent, s’y allient, y font connaissance ou s’y retrouvent : les Khans, les Chatterjis, les Mehras, les Kapoors. 

Les faits, gestes et petits incidents de la soirée annoncent en réduction le ballet, d’amours et de haines, d’estime et de jalousie, de tolérance et de racisme, d’actes héroïques et d’intrigues sordides, qui se déroule ensuite sur quelques années.

L’histoire de chacun, à partir de cette scène, va connaître joies, disputes, drames, deuils, sur fond de luttes politiques nationales et régionales, et au fil des cérémonies religieuses musulmanes et hindoues, dont l’auteur dresse une chronique précise, sans complaisance. Les personnages initiaux, de religions, de partis, de régions et de castes différents, participent, certains au plus haut niveau, aux événements politiques et sociaux de l’Inde de Nehru, et les événements de leur vie privée, en retour, sont étroitement liés à l’Histoire, souvent troublée, de cette période.

Le lecteur se laisse très vite prendre dans le courant qui charrie les êtres et les âmes, les individus et les masses, de Brahmpur à Calcutta, de Bombay à Delhi, des villages des campagnes aux mégapoles.

Le fleuve qui l’emporte est tantôt calme, empli de poésie, tantôt tumultueux et dévastateur. La paix, la violence, le raffinement, la barbarie, l’amitié, la trahison, le chant des poètes et le discours politique, la joie et la souffrance, tout y est, et l’alternance des rythmes narratifs fait de l’ensemble un voyage dans l’Inde profonde qui ne peut que plaire à ceux qui aiment, à travers l’histoire romanesque, s’immerger dans la culture (en l’occurrence dans les cultures) d’autrui.

Parcourir ce livre procure étourdissement, émotion, attachement, attirance, répulsion. On ne peut qu’être amoureux de Lata et partager son indécision, pardonner à Meenakshi ses adultères, plaindre Kabir, se sentir proche de Maan, admirer et détester Saeeda Bai…

L’auteur tient son lecteur par son art de la narration et de la mise en scène, mais, en outre, par son souci du détail (cuisine, séances parlementaires, cérémonies religieuses, procédés de fabrication de tel produit, fonctionnement des institutions publiques et privées) lui fait connaître tout de ce pays fascinant.

Tout lecteur sincère sortira de cette saga un peu plus sage et un peu plus savant.

 

 

 

  

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18 juin 2006 7 18 /06 /juin /2006 20:11

Titre : Show Business

 

Auteur : Shashi Tharoor

 

Editeur: Le Seuil, Paris, septembre 1995

 

Traduit de l’anglais par Christiane Besse

ISBN : 202019709X

 

Voici un roman de près de 400 pages qui se parcourt tout d’une traite.

Ashok Banjara, l’acteur vedette des studios de Bombay, l’idole des foules populaires qui se pressent dans les cinémas indiens, le bon et valeureux héros qui toujours fait triompher le Bien sur le Mal (Mal personnifié par son rival Pranay), la belle gueule qui fait se pâmer, dans les films et dans la rue, dans les chaumières du fond des campagnes et dans les immeubles et villas des quartiers chics tout autant que dans les taudis et les bidonvilles, les femmes de tout âge, et à qui s’identifient les hommes de tout poil, Ashok Banjara, plongé dans un coma irréversible à la suite d’un accident dont on ne découvre la nature et les circonstances qu’à la fin du livre, voit défiler sa vie tandis que défilent à son chevet parents, proches, amis et faux amis qui, dans des monologues féroces, lui disent enfin tout haut, s’ébrouant de son aura, ce qu’ils ont toujours pensé, subi et supporté de lui, de son égoïsme et de son insupportable certitude d’être le meilleur, le plus beau, le plus doué…

Ashok entend, encaisse, bout immobile et réduit au silence, souffre de son impuissance. Entre chaque visite il se raconte les films dans lesquels il a tourné, et, grâce à la distance critique que lui confère son état d’agonisant, il les revoit en spectateur lucide, et les réduit impitoyablement, avec un humour sans réserve, et, parfois, un cynisme sans limite, à ce qu’ils sont : la répétition infinie de scènes quasi identiques qui fait de chaque long métrage la copie, voire le pastiche du précédent.

Parmi ces scènes sempiternelles revient, comme le leitmotiv de sa vie, celle où il n’a cessé, de film en film et de femme en femme, de « galoper derrière une actrice (…) autour d’un arbre en carton-pâte sous un crachin artificiel, mimant en synchro les sons grêles d’un aspirant chanteur en play-back ».

Toutes les clés du roman sont données dans cette phrase de la première page, et expliquent et traduisent, pour le narrateur, non seulement tous les trompe-l’œil de la société  bollywoodienne factice et amorale, mais aussi toutes les hypocrisies et les tares de la société civile indienne, dans laquelle Ashok s’implique, très politiquement, et très naïvement, durant une courte période de son existence, mais encore, de façon plus universelle, toute l’artificialité des relations entre hommes, entre hommes et femmes, et même entre hommes et dieux (sur ce dernier point, le personnage du guru Outil et le scénario du dernier film d’Ashok, Kalki, sont d’une drôlerie décapante).

Un roman de Shashi Tharoor qui s’avale tout d’un trait.

Mais quelle saveur il laisse à la bouche, de son puissant parfum d’aftermint, de quel éclat il satisfait  l’esprit, de son ineffaçable after-effect , et quel bien-être il apporte au corps, rompu des peines de la journée, bien après que la dernière page est tournée !!!

 

Patryck Froissart, le 26 mai 2006

 

 

 

 

 

 

 

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18 juin 2006 7 18 /06 /juin /2006 20:10

Titre : Quatuor

Auteur : Vikram Seth

Traduit de l’anglais par Françoise Adelstain

Titre original :An equal music

 

Edition : Grasset (Paris 2000)

 

 

Vikram Seth, auteur du sublime roman Un garçon convenable, quitte, dans Quatuor, de façon surprenante, la scène indienne pour l’Europe.

Quatuor est un roman d’amour, certes, mais c’est avant tout un roman…d’amour de la musique, de la grande musique, classique, européenne.

De Londres à Vienne, de Vienne à Venise, puis de Venise à Vienne, le lecteur vit, très intimement, très précisément, très techniquement, mais surtout très passionnellement le parcours d’un quatuor, ses bonheurs partagés, ses angoisses, son trac, ses tiraillements internes, ses disputes, et ses ruptures.

Parallèlement, se noue, ou plutôt se renoue, puis se dénoue une histoire d’amour tragique, car sans espoir, entre Michaël, personnage narrateur, et Julia, une musicienne qu’il a connue vingt ans plus tôt en Autriche et qu’il retrouve par hasard à Londres.

La tension dramatique est multiple : histoires personnelles de chacun des membres du groupe, histoire commune du quatuor, histoire de Michaël et de Julia, histoire du violon de Michaël, histoire des protagonistes secondaires (le mari de Julia, la maîtresse de Michaël).

Le roman se lit, d’un trait, avec avidité, jusqu’au dénouement, qui n’est pas vraiment une fin heureuse pour l’intrigue amoureuse, mais où le personnage principal, la Musique, conserve ses droits.

L’ensemble est construit comme une symphonie, bien sûr, et l’auteur en est à la fois le compositeur et le formidable chef d’orchestre.

Tous ceux qui ont aimé le Vikram Seth auteur d’Un garçon convenable aimeront cet autre Vikram Seth, complètement différent mais tout aussi talentueux.

 

Patryck Froissart, le 8 janvier 2006

 

 

 

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18 juin 2006 7 18 /06 /juin /2006 20:09

Titre : L’herbe du diable et la petite fumée

Auteur : Carlos Castaneda

Traduit de l’anglais par Michel Doury

Titre original : The teachings of Don Juan (A yaqui Way of Knowledge)

 

Editions 10/18 (Christian Bourgeois) – 1985

 

ISBN: 2264007257

 

 

Le lecteur qui a pu, comme moi, lire ce livre il y a presque 40 ans, et qui le relit aujourd’hui est un privilégié.

 

En 1968 la jeunesse estudiantine occidentale naviguait à vue sur les vagues du structuralisme, de l’ethnologie et de l’anthropologie revues par Levi-Strauss, et dérivait sur l’expérience obligée du trip hallucinatoire.

Ce livre était bible chamanique pour nombre d’entre nous, et missel satanique pour le bien-pensant d’alors.

Qu’il se vende et se lise encore aujourd’hui peut paraître étonnant, car il n’est plus contextuel du contemporain, où l’aspiration à une initiation spirituelle longue, douloureuse, difficile, mue par l’inébranlable effort de parvenir à la connaissance, quelle qu’elle soit, semble relever de l’utopie.

Et pourtant cet ouvrage est toujours à lire.

Dès sa parution, une double lecture en était déjà proposée : L’herbe du diable et la petite fumée pouvait se parcourir comme un cheminement initiatique minutieusement détaillé, fondé sur l’observation précise d’une étude ethnologique (inversée, puisque l’ethnologue, indianisé par son guide chamane, devient son propre objet d’étude), ou comme le conte allégorique de la relation équivoque entre le maître, Juan, appelé respectueusement Don Juan, représentant une société dite primitive, persécutée jusqu’au génocide par celle, conquérante, impérialiste, et méprisant « les croyances des sauvages », personnifiée par le disciple Castaneda. Beau renversement des clichés de l’Histoire…

Donc cet ouvrage est toujours à lire, pour ses éléments ethnographiques (malgré le caractère parfois fastidieux de la description des préparatifs de chaque nouveau voyage, et le chapitre devenu ennuyeux de l’analyse structurale), et pour l’allégorie qu’on peut toujours y construire.

Mais aujourd’hui il se lit aussi, débarrassé du contexte de la « quête de Katmandou » et des philosophies hippies, comme un conte fantastique, ou comme un montage ésotérique (Castaneda récusait cet adjectif), ou encore comme une amusante fum…isterie.

Mais enfin, que diable, cet ouvrage se lit, tout simplement, avec le plaisir de l’exotisme qu’évoquent ces mots fumeux et sulfureux: la Yerba del diablo, l’Humito, la Datura inoxia, le Mescalito, la Psillocybe mexicana, la Lophophora williamsii.

 

Allons, Castaneda peut se fumer encore…

 

Patryck Froissart, le 9 avril 2006

 

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18 juin 2006 7 18 /06 /juin /2006 20:05

Titre : L’équilibre du monde

 

Auteur : Rohinton Mistry

Editeur : Albin Michel, 1998

Titre original : A fine balance

Traduit de l’anglais par Françoise Adelstain

 

Ce long roman de 700 pages nous introduit dans l’Inde contemporaine pour nous y faire partager l’intimité de personnages croqués à la façon d’Eugène Süe ou de Charles Dickens.

Au centre d’un tourbillon réaliste qui va broyer cruellement la plupart des protagonistes se trouve Dina Dalal, une jeune et jolie veuve, anticonformiste, qui se voit contrainte, pour ne pas dépendre financièrement de son frère, d’accueillir chez elle un hôte payant, jeune étudiant, et deux tailleurs qui fabriquent pour elle à la pièce des robes qu’elle vend à une entreprise de prêt-à-porter locale.

L’auteur raconte successivement le passé de ces 4 personnages principaux, puis ce qu’ils vivent ensemble durant une année universitaire, et ce qu’ils deviennent après leur séparation.

Les destins sont tragiques, sur contexte d’une Inde qui se modernise et se « démocratise » de manière anarchique, dans la corruption, le non-droit, la cruauté, l’implacable application des règles archaïques qui régissent les relations entre les castes, l’impitoyable loi du plus fort, et l’effondrement de tous les espoirs d’échapper à la rigidité sociale.

Le Roi des Mendiants, exploiteur et protecteur cynique des mendiants de la ville, dont le cul-de-jatte Shankar, mutilé peu après sa naissance de façon à susciter la pitié des passants, le collecteur de cheveux qui finit par tuer pour assurer sa moisson, le receveur des loyers, Ibrahim, qui se fait un honneur d’appliquer les menaces d’expulsion des locataires ne pouvant plus payer, le policier Kesar, qui conduit sans pitié les démolisseurs des bidonvilles installés, avec la complicité de responsables municipaux corrompus sur les lieux publics, tous sont à la fois répugnants et pitoyables, chacun montrant, étonnamment, en certaines circonstances des sentiments d’une beauté dont on ne les aurait pas crus capables.

Les situations, les dialogues, les lieux sont d’un réalisme cru, trivial, révoltant, horrifiant parfois. Mais la vulgarité, l’obscénité, la pourriture humaine s’inscrivent de façon tellement naturelle dans cette immense cour des miracles que le lecteur s’y fait vite, d’autant que, dans cet univers nauséeux, les quatre personnages centraux, ainsi que d’autres rencontrés au hasard de chacune de leurs destinées, apparaissent comme peu à peu sanctifiés par leurs propres actes, dépouillés progressivement de leurs défauts, et de leurs ambitions.

Les fumiers les plus puants nourrissent toujours des roses...

 

Patryck Froissart, le 29 janvier 2006

 

 

 

 

 

 

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18 juin 2006 7 18 /06 /juin /2006 20:03

Titre : Le silence des Chagos

Auteur : Shenaz Patel

Editions de l’Olivier/Le Seuil 2005

ISBN : 2879294541

 

En 1967, tout en négociant avec ses sujets mauriciens l’indépendance de l’île, le pouvoir anglais déporte à Maurice tous les habitants indigènes des Chagos, puis vend cet archipel pourtant considéré comme partie intégrante de Maurice aux Américains qui en font, jusqu’à ce jour, une de leurs bases militaires stratégiques, pièce maîtresse en particulier de leurs visées impérialistes belliqueuses sur l’Irak et sa région.

Depuis, les Chagossiens, ou les « Îlois », comme les appellent de façon méprisante certains Mauriciens de souche, n’ont plus que leurs yeux pour pleurer en scrutant la mer.

C’est le cas de Charlesia, dans Le Silence des Chagos, qui vient, tout au bord du quai de Port-Louis, tenter vainement, avec la régularité désespérée des êtres privés d’avenir et l’obstination inébranlable des déracinés, de distinguer derrière l’horizon le croissant de lune de son île natale ou d’en humer l’odeur perdue du coprah qu’on brûle.

C’est le cas de Désiré, né sur le bateau de la déportation, ce Nordvaer sur lequel on les a tous fait embarquer après leur avoir donné une heure pour rassembler leurs affaires.

Quant à Mimose, la fille de Charlesia, recroquevillée sur elle-même à longueur de temps depuis qu’on l’a jetée dans ce quartier insalubre de la Vallée des Prêtres, c’est en elle qu’elle cherche son île, sa mer, sa vie antérieure, paisible, simple, tranquille, sur le sable familier de l’archipel volé.

Shenaz Patel trace à grands traits intimistes les portraits figés de ces damnés de la mer, qui n’ont plus de chez eux, qui ne savent plus qui ils sont, qui se cognent, comme des papillons aveugles, aux parois de l’île prison. Les récits et les destins individuels se croisent, chacun des personnages portant sa propre souffrance, et l’injustice collective en sort brandie comme la bannière d’un combat que l’écrivaine elle-même accompagne de sa compassion, et dont elle est, cela se lit, naturellement solidaire, comme ne peut manquer de l’être tout lecteur quelque peu humain.

Puissent les Chagossiennes gagner leur juste et pacifique guerre contre les spoliateurs !

Puissent les Chagossiens retrouver bientôt la terre de leurs pères !

Puisse Shenaz y avoir quelque peu contribué, par ce livre émouvant et éclairant,

 

 

Patryck Froissart, le 1er avril 2006

  

 

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18 juin 2006 7 18 /06 /juin /2006 20:02

 

Le moghol blanc

Auteur: William Dalrymple

Collection Noir sur blanc (Le Seuil)

Ce livre, traduit de l'anglais, est à la fois une chronique extrêmement précise et documentée de la vie des grands dignitaires anglais dans l'Inde coloniale de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècles et le récit, à peine romancé, mais très romanesque, de la vie amoureuse de James Kirkpatrick, Lord Résident britannique de la Compagnie anglaise des Indes Orientales, et de celle qui allait devenir, malgré de nombreux obstacles liés aux convenances et à la politique officielle de la puissance coloniale, son épouse, la belle Khair un Nissa. Converti à l'Islam, Kirkpatrick, comme un grand nombre de ses compatriotes, allait vivre de plus en plus à l'indienne, ce qui devait lui attirer de nombreux ennuis, et menacer sa carrière.
L'auteur, qui serait lui-même d'ascendance anglo-indienne, s'est livré à un véritable travail d'historien, et a pu accéder, au prix d'une recherche obstinée, à de nombreuses pièces d'archives, publiques et privées, tant en Inde qu'au Royaume-Uni.
L'intérêt de l'ouvrage réside en ce que l'intrigue fondatrice est contextualisée dans de passionnantes études sur la vie des résidents britanniques, et aussi sur celle d'autres Européens, en Inde à cette période de l'Histoire. C'est ainsi que le lecteur apprend que tout individu, quel que fût son origine, sa couleur de peau, sa religion, pouvait être admis à occuper les plus hautes charges dignitaires à la cour d'un radjah, pour peu qu'il possédât des compétences reconnues dans un domaine intéressant le souverain. Quelle leçon pour nos sociétés chauvines, nationalistes, voire xénophobes du XXIe siècle!
Inscrire l'histoire dans l'Histoire, voilà ce que réussit à faire Dalrymple, rejoignant la lignée des Balzac et Zola. Du grand roman !
Patryck Froissart, le 2 janvier 2006

 

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